L’esprit Canal fonctionne à vide

canal_.gif

C’est acté, Michel Denisot se retire et Antoine de Caunes le remplace à la tête du Grand Journal. La vitrine de Canal+, émission incontournable du paysage audiovisuel français, est en perte de vitesse, tout comme le reste de la chaine. Mais faire du neuf avec du vieux ne sera certainement pas la solution.

Canal+ in the rhythm of the night

Canal+, monument audiovisuel français, succès cathodique de ces trente dernières années tient sa réussite et sa pérennité à son esprit. L’esprit Canal. Canal+, c’est une grande famille. Des copains qui ont chamboulé l’austère télévision française au milieu des années 1980, qui ont lancé des joyeux drilles comme les Nuls, Antoine de Caunes et José Garcia, Edouard Baer, James Debbouze, ou encore Omar et Fred.

Des pointures dont la carrière est toujours solide aujourd’hui et dont on regarde aujourd’hui les DVD avec nostalgie. A 19h, on regardait Philippe Gildas présenter Nulle Part Ailleurs, émission drôle et intelligente que la chaine n’a jamais réussi à égaler depuis.

Puis l’esprit Canal a été progressivement mis en danger. Philippe Gildas est parti en premier, remplacé par une série de pâles copies – à l’exception de Guillaume Durand – et ce fut le début de la fin. Alain de Greef, illustre directeur des programmes a été mis au placard faute de résultats. Et enfin Pierre Lescure a été remercié. La fronde du Burger Quiz menée par Alain Chabat n’a rien donné. Canal+ sera désormais dirigé par de grands patrons venus de l’extérieur, les yeux rivés sur l’audimat.

Michel Denisot, le vrai patron

Un seul des MacLeod a survécu : Michel Denisot. Le Paris-Saint-Germain et Jean-Marie Messier n’avaient pas réussi à l’enterrer, Le Grand Journal l’a même relancé. Reprenant (déjà) une vieille recette, Canal+ a de nouveau grignoté sur ses concurrents, à grand renfort de chroniques devenues cultes. Ali Baddou, Yann Barthès, Louise Bourgoin ou encore Ariane Massenet (si si) ont réincarné l’esprit Canal, la grande famille télévisuelle française.

Mais peu à peu, le masque est tombé. La piètre qualité du Grand Journal a été révélée au grand jour, notamment par des chroniqueurs déçus de leur temps de parole et du niveau intellectuel des débats. Le Grand Journal est en effet devenu une machine à vendre, où la confrontation d’idées est aussi rare que les victoires de joueurs français à Roland Garros. Hommes politiques et artistes se relaient, se montrent, échangent une vingtaine de mots et repartent, leur notoriété gonflée et couverts de louanges.

Et en ce début d’été 2013, Canal+ tremble de nouveau sur ses bases. Le roi Michel, égratigné par Ollivier Pourriol dans un livre acerbe, a décidé de laisser la place. Ou bien lui a-t-on montré la sortie avec des spectateurs de moins en moins nombreux et mécontents. Après la folle rumeur Cyril Hanouna pour le remplacer, c’est finalement Antoine de Caunes qui a été recruté. Régulièrement animateur des cérémonies des Césars, Antoine de Caunes a finalement réalisé son rêve… 18 ans après.

Antoine de Caunes, 18 ans après

En 1995, lassé d’attendre d’être définitivement adoubé par Philippe Gildas et de pouvoir prendre sa succession, Antoine de Caunes a quitté la famille pour en rejoindre une autre, celle du cinéma français. Choix naturel et judicieux dans les années 1990, sa nomination tardive dans cette émission « d’access prime time » a des allures de réchauffé.

Depuis 1995, Antoine de Caunes a enchainé les projets douteux. Les Morsures de l’aube, Monsieur N. ou encore le logiquement méconnu Désaccord parfait n’ont pas exactement fait de lui un monstre sacré du cinéma d’auteur français.

Au fond, le choix d’Antoine de Caunes pour animer le Grand Journal est à l’image de la chaine. Canal+ peine à renouveler ses programmes, à créer de l’originalité et donc à répondre aux attentes des spectateurs. Les prix de l’abonnement sont d’ailleurs de plus en plus critiqués et concurrencés.

Mis à mal avec l’arrivée de nouvelles chaines sportives payantes aux moyens illimités, Canal+ est également attaqué par des fournisseurs d’accès à internet comme Numericable. Proposant les deux chaines BeIN Sport ainsi que cinq chaines de séries diffusant des épisodes seulement 24 heures après la première américaine, les internautes peuvent économiser jusqu’à 240€ par an par rapport à l’offre de Canal+, a indiqué Jérôme Yomtov, patron du câblo-opérateur. Canal+ a d’ailleurs récemment attaqué BeIn Sport en justice pour concurrence déloyale. L’entreprise qatarienne est ainsi accusée de se moquer de sa rentabilité grâce à l’importance de ses ressources.

Chaine en perte de vitesse, en crise de programmation, Canal+ séduit de moins en moins. Le retour d’Antoine de Caunes dans la famille ne changera certainement rien à l’affaire, démontrant un peu plus que c’était mieux avant. Le temps est donc propice pour l’arrivée de nouveaux acteurs proposant des offres et des tarifs plus en phase avec la demande actuelle.