Ce n’est un secret pour personne, Bouygues veut faire main basse sur SFR. Le dirigeant du groupe s’est fendu d’une visite à l’Elysée, pour s’ouvrir auprès de François Hollande de ses intentions véritables. Martin Bouygues l’a martelé, en présence notamment d’Arnaud Montebourg, il n’y aura pas de destruction d’emplois si Bouygues et SFR s’allient. Une annonce que personne ne semble croire.
Bouygues souhaite acheter SFR pour ne pas se faire écraser par la concurrence sur un marché où il n’a pas investi depuis des années. L’autre enchérisseur, c’est Numericable, qui aimerait bien s’allier à SFR pour doper ses offres intégrées, puisque le câblo-opérateur est absent du segment mobile.
On a donc deux candidats, dont l’un, Bouygues, fait peu ou prou la même chose que SFR, et l’autre, Numericable, s’inscrit en contraste. Si le second mariage serait à même d’instiller un peu d’oxygène dans le paradigme, le premier, s’il venait à se faire, aurait pour effet d’entrainer un repliement morbide des deux opérateurs sur eux-mêmes. Avec les dommages collatéraux qu’on imagine.
Songez. En termes de postes, entre SFR et Bouygues Telecom, les doublons sont partout. Mobile, ADSL, Triple Play, myriade de boutiques, les deux opérateurs font la même chose. Or à quoi bon avoir deux réseaux 2G, 3G ou 4G sur le territoire ? A quoi bon multiplier les boutiques identiques ?
Aucun intérêt, d’autant que Bouygues ne peut se le permettre. La dette du groupe a presque doublé depuis 2010, pour culminer à 4,4 milliards d’euros. Bouygues Telecom ne génère plus de cash, et a annoncé que son cash flow serait de nouveau nul en 2014. Bref, les affaires ne sont pas au top et la holding ne peut se permettre d’accumuler les « poids morts ».
En fait de « casse sociale », comme le prophétisait en janvier dernier Fleur Pellerin, c’est un véritable désastre sur le plan de l’emploi qui pend au nez de SFR et, plus globalement, des télécoms, si le montage de Bouygues est accepté. En balayant tous les postes doublons pour diminuer les coûts et augmenter sa marge, Bouygues tirerait un trait sur 3 réseaux mobiles nationaux, un réseau ADSL, et 700 boutiques, ainsi que sur un grand nombre de postes stratégiques.
9 000. C’est le nombre d’emplois qui seraient supprimés en interne, si Bouygues venait à faire passer par dessus le bastingage l’ensemble de la masse salariale de SFR. Un chiffre auquel viendraient encore se greffer les milliers de prestataires techniques employés par la filiale de Vivendi en sous-traitance. Alors peu importe, au fond, la valeur de l’offre faite pas Bouygues dans son ensemble, elle est intolérable sur le plan de l’emploi, et ce paramètre doit suffire à la disqualifier.