Encadrement d’Airbnb : la réponse maladroite d’Emmanuel Marill

Emmanuel Marill

Dans la Ville Lumière, l’heure n’est plus à la fête pour Airbnb. Les élus parisiens ont en effet décidé de se montrer intransigeants avec la multinationale américaine. Devant cette réalité, Emmanuel Marill, le directeur France et Belgique d’Airbnb, crie à l’injustice, affirmant par le biais d’une tribune que la plateforme est victime du lobby hôtelier. Une tentative maladroite et désespérée de redorer le blason d’Airbnb…

Les élus parisiens dénoncent les dérives des plateformes

Bien que pas toujours à l’aise, Emmanuel Marill est habitué à prendre la parole pour défendre Airbnb. Interrogé par Les Echos en juin dernier sur le processus d’optimisation fiscale mis en place par la plateforme, ce dernier avait tergiversé quelques instants avant d’avouer que les transactions réalisées en France transitaient « par l’Irlande, je crois »… Mais d’après notre directeur, le faible taux d’imposition pratiqué par l’île d’émeraude (12 % contre 30 % en France) n’aurait joué aucun rôle dans le choix de ce processus.

Ce mercredi 6 septembre, c’est à une tribune publiée quelques jours plus tôt et signée par trois élus parisiens – Sylvain Maillard, Député LREM des 1er et 2e arrondissements ; Élise Fajgeles, Députée LREM du 3e arrondissement ; Pacôme Rupin, Député LREM du 4e arrondissement – intitulée : « Il faut réguler d’urgence les locations touristiques dans le Centre de Paris », qu’Emmanuel Marill a décidé de répondre.

S’appuyant sur le rapport de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), les trois députés parisiens accusent Airbnb et consorts — chiffres à l’appui — de « priver le marché locatif d’un nombre important de logements », de vider le centre-ville parisien de ses habitants, ce qui « génère ensuite des impacts en cascade avec des classes d’écoles qui ferment, des commerçants de proximité qui disparaissent faute de clientèle suffisante, une vie de quartier qui se détériore… »

Par ailleurs, les élus parisiens ne manquent pas de rappeler que la plateforme « qui réalise en France un chiffre d’affaires de 130 millions d’euros, principalement grâce à son activité dans la capitale, n’a payé que 92 944 € d’impôts en 2016 ». Une situation qu’ils qualifient de « terriblement injuste quand on voit que les hôteliers ont tout le mal du monde à présenter des prix attractifs au regard des nombreuses charges dont ils doivent s’acquitter en tant qu’entreprise française et des normes de sécurité et d’accessibilité auxquelles ils doivent se soumettre. »

Emmanuel Marill dépeint Airbnb en victime

Fidèle à lui même, le pompier d’Airbnb a tenu à rétorquer au travers d’une tribune intitulée « Logements inoccupés à Paris : Airbnb n’est pas le problème, mais une solution ! ». Et une fois encore, ce dernier l’a fait de manière maladroite, avançant des arguments pour le moins bancals.

Selon lui, Airbnb est le bouc émissaire des élus parisiens manipulés par les « lobbies hôteliers » et qui veulent faire porter à la plateforme « le poids de l’Histoire, et des choix politiques qui ont, méthodiquement et régulièrement, encouragé la concentration du développement touristique et commercial sur une poignée d’arrondissements de la capitale ». Et de rajouter : « l’exode [des Parisiens] est historique ». Par ailleurs, d’après Emmanuel Marill, «  50 % des hôtes parisiens disent qu’ils ne pourraient pas garder leur logement sans louer sur Airbnb », un chiffre dont la source reste pour le moment introuvable…

Mais n’en déplaise à notre directeur, Airbnb est bien à l’origine de la perte de 20 000 logements dans la capitale française. Les contraintes de transports ainsi que l’amélioration des politiques antipollution devraient encourager le retour des citoyens vers les centres-villes. Mais comment lutter : « le gain d’une location Airbnb est 2,6 fois supérieur en location touristique qu’en location classique (jusqu’à 3,5 fois sur l’île de la Cité), surtout depuis la loi sur l’encadrement des loyers… », affirme Sylvain Maillard.

Le directeur France et Belgique de la plateforme affirme également que ce sont les « lobbies hôteliers qui contribuent depuis de nombreuses années à la concentration du tourisme de masse dans le centre de Paris ». Pourtant, quelques lignes plus haut, celui-ci est fier d’annoncer que « la croissance d’Airbnb à Paris a permis, cet été encore, de renforcer l’offre touristique avec l’apport de 730 000 arrivées de voyageurs supplémentaires » dans la capitale…

Et pour ce qui est du méchant « lobby hôtelier », Emmanuel Marill semble oublier une chose : le secteur hôtelier français paye ses impôts en France, sans faire transiter quoi que ce soit par l’Irlande, et est contraint d’appliquer un certain nombre de normes de sécurité. Étonnamment discret sur ce point, le directeur France et Belgique d’Airbnb n’a pas jugé bon de s’en expliquer dans sa tribune. Selon lui, encadrer Airbnb afin de préserver la Ville Lumière et mettre la plateforme sur un pied d’égalité avec les hôteliers parisiens « serait un contresens historique ».