Le gouvernement vient d’engager une réforme des collectivités locales basée sur le droit à la différenciation, une idée en totale contradiction avec le principe d’unité de la République. « Un projet de loi que nous avons baptisé entre nous “projet de loi 3D” : décentralisation, déconcentration, différenciation », explique le premier ministre Édouard Philippe.
Comme un air d’Ancien Régime
« Ce qu’il (le droit à la différenciation) remet en cause a représenté la colonne vertébrale de la République depuis 1792 et il apparaît, en fait, comme un retour à l’organisation administrative d’Ancien Régime, c’est-à-dire : un territoire découpé selon une multiplicité de statuts répondant aux revendications locales et une loi à géométrie variable », s’inquiète Benjamin Morel, docteur en science politique et maître de conférences en droit public à l’université de Paris 2 Panthéon-Assas, qui met en garde contre cet « obstacle aux mécanismes correcteurs des inégalités induites par la décentralisation ».
Le droit à la différenciation permet en effet aux collectivités d’exercer des compétences qui leur sont propres, mais aussi d’adapter la loi nationale à l’échelon local. Or, ces deux prérogatives sont sources d’inégalités entre les territoires, ce que reconnaît d’ailleurs le premier ministre : « Entre les aspirations des Français à la différenciation, mais également à l’égalité, ce ne sera pas simple. »
Avant d’aboutir, la réforme fera l’objet d’une consultation région par région : Celle-ci « aura pour but d’identifier, territoire par territoire, les besoins d’organisation des compétences ou de définition de dispositifs, y compris fiscaux », souligne Édouard Philippe.
Révision constitutionnelle
Pour faciliter sa réforme, le gouvernement souhaite introduire la différenciation dans la Constitution, mais celle-ci se fera même si la révision échoue. « Si la révision constitutionnelle aboutit, nous pourrons nous appuyer sur la différenciation. Si ce n’est pas le cas, nous élargirons le cadre des expérimentations et travaillerons à laisser plus de place au pouvoir réglementaire local », prévient le premier ministre.