Les plus pauvres jetés à la rue

expulsions locatives

Lundi 28 octobre, la Fondation Abbé-Pierre (FAP) a publié son baromètre annuel des expulsions, selon lequel les expulsions locatives avec l’aide de la force publique ont atteint le chiffre record de 15 993 en 2018. 

Elles ont augmenté de 2,9  %, en un an, et en dix ans, ce sont « 295 000 hommes, femmes, enfants, l’équivalent d’une ville comme Montpellier ou Strasbourg », qui ont été expulsés, précise la FAP.

Précarisation galopante 

L’appauvrissement des ménages combiné a l’explosion des loyers a entraîné une hausse des impayés, qui sont à l’origine de 95  % des procédures d’expulsion. En effet, selon la FAP, 1,9 million de ménages auraient rencontré des difficultés à payer loyer et charges en 2018. « De nombreux facteurs expliquent la hausse des expulsions, mais le principal est la précarisation de plus en plus importante des ménages », résume Marie Rothhahn, chargée de mission pour l’accès aux droits à la FAP.

La seule bonne nouvelle (moins bonne pour les propriétaires) est la baisse du nombre de décisions de justice d’expulsion, qui est passé de 132 196 en 2015, à 119 554 en 2016. « Mais ça reste des chiffres énormes, regrette la chargée de mission. La récente amélioration est insuffisante pour compenser la hausse de 23  % depuis 2001. »

Politique « incohérente »

« La baisse des procédures n’a pas d’impact sur le nombre d’expulsions, parce que la politique de prévention mise en place est incohérente et manque de moyens, assure Marie Rothhahn. Elle laisse aux acteurs locaux trop de latitude pour l’organisation de la prévention, qui dépend souvent de la bonne volonté du préfet, au prix de grandes inégalités territoriales. L’accompagnement des ménages, pourtant essentiel et nettement moins coûteux pour le propriétaire qu’une expulsion, est négligé. »

« On a le sentiment que la politique actuelle sur le logement est incohérente, insiste madame Rothhahn. Il y a une avancée, avec la mise en place du plan logement d’abord pour les sans-abri, mais il ne comporte aucun volet sur la prévention des expulsions. Le gouvernement a aussi fait des coupes budgétaires dans deux des piliers du logement des plus fragiles : les aides personnalisées au logement (APL) et les HLM. Quant à l’encadrement des loyers que nous réclamons, il a été de nouveau autorisé, mais de manière expérimentale. Du coup, le marché ne se régule pas. Et, juridiquement, c’est toujours le droit de propriété qui prime sur le droit au logement ».