La Lituanie nie ses crimes et veut réécrire son histoire

Lituanie, négationnisme

Vilnius compte faire passer une loi niant l’implication du pays et de ses dirigeants dans la Shoah, alors qu’au moins 200 000 juifs ont été tués en Lituanie. « Plus de 95 % sur les 250 000 qui y vivaient », rappellent les centres de recherche sur la Shoah.

« L’État lituanien, qui a été occupé de 1940 à 1990, n’a pas participé à la Shoah. Ni la Lituanie ni ses dirigeants n’ont participé au génocide », écrit le gouvernement dans son projet de loi déposé devant le Seimas, le parlement lituanien.

Exemple polonais

La démarche révisionniste du gouvernement lituanien s’inspire directement de la Pologne qui, il y a deux ans, a adopté une loi similaire, ainsi qu’un deuxième texte prévoyant d’attaquer en justice « ceux qui imputent au peuple polonais une complicité dans les crimes de l’Holocauste ». Il est donc désormais interdit en Pologne d’évoquer l’implication de Polonais dans les crimes nazis, au motif que le pays était sous occupation. Pour rappel, 3 millions de juifs polonais ont été exterminés durant la guerre.

Lors d’une rencontre avec des députés polonais en septembre 2019, l’initiateur du projet lituanien, le député Arunas Gumuliauskas, a affirmé vouloir « promouvoir la coopération entre les historiens des deux pays, à la poursuite de buts communs ». « L’État lituanien n’a pas participé à l’Holocauste parce qu’il était occupé, tout comme la nation lituanienne n’a pas participé à l’Holocauste parce qu’elle était asservie », a-t-il ajouté quelques semaines plus tard.

Collaboration indéniable

« Bien évidemment, les forces nazies ont commis l’essentiel de ces crimes mais elles ont reçu le soutien de collaborationnistes. Une série de pogroms ont été perpétrés uniquement par les fascistes lituaniens avant l’arrivée d’Einsatzgruppen allemands. Cet antisémitisme s’appuyait à l’époque sur l’accusation que les juifs étaient le pilier du système soviétique, les complices du pacte germano-soviétique », rappelle le journaliste et historien Dominique Vidal.

« En Europe, l’amplitude de l’extermination des juifs en Pologne et en Lituanie ne se retrouve nulle part ailleurs. Les travaux du mémorial de la Shoah, Yad Vashem, démontrent de manière documentée une collaboration active. Elle n’est pas l’œuvre d’une majorité. En comparaison, la France, où l’État a collaboré et où vivaient 330 000 juifs, dont 75 000 d’entre eux ont été exterminés. La solidarité, le rôle de la Résistance, des justes, des communistes ont permis d’éviter le pire », poursuit l’historien.