Lundi 9 mars, s’est ouvert à Dax le procès de l’EURL Landes Net Services Plus, poursuivie par le tribunal correctionnel de Dax (Landes) pour travail dissimulé et délit d’emploi d’un étranger sans titre de travail. Le requérant, Aziz, un ancien ramasseur de canards marocain sans papiers de 42 ans, dénonce lui un esclavagisme déguisé, et exige la reconnaissance de ses souffrances.
« Je suis toujours traumatisé par ce qui s’est passé, choqué que des personnes m’aient exploité dans le pays des droits de l’homme. La justice doit le reconnaître », a insisté le quadragénaire.
Conditions de travail déplorables
« Ce qui l’a le plus affecté, ce n’est pas de ne pas avoir été déclaré trois mois à l’Urssaf, mais bien ses conditions de travail », rappelle son avocate, maître Zelda Grimaud.
Et affecté, Aziz a toutes les raisons de l’être, tant son expérience professionnelle a été avilissante et humiliante. Initialement embauché pour un CDD de 40 heures par mois, Aziz a travaillé en fait plus de 10 heures par jours : de 4 heures à 14 heures à attraper les canards, les vacciner et ramasser les œufs, avant de sortir du poulailler pour travailler aux champs. « Je travaillais le dimanche, les jours fériés, sans repos, sans manger, avec mes propres vêtements. C’était inimaginable, pire que l’esclavage. J’étais payé 500 euros par mois et je n’avais même pas le droit d’ouvrir ma bouche. »
Et l’humiliation ne s’arrête pas aux tâches qui lui étaient confiées, allant plus loin, jusqu’aux insultes et aux menaces. Ainsi, lorsqu’Aziz réclamait la régularisation de sa situation, il était conduit dans une maison en pleine forêt gardée par deux gros chiens, où il subissait une séance d’intimidation. « Elle me disait : “T’es un con ! Nous, on vous donne du travail, tu vas retourner dans la misère chez toi” ».
Régularisation in extremis
Une fois son CDD achevé, Aziz a tenté de rassembler des preuves de ces maltraitances, mais c’est là qu’il a été sommé de quitter le territoire français. Heureusement, le soutien de la CGT lui a permis d’être régularisé par le préfet en mars 2018, en raison de son statut de victime de travail illégal et de son souhait de coopérer avec la justice française.
« Il a eu le courage de sortir de l’ombre, de relever la tête, explique Aline Rondeau, de la CGT de Dax. Il avait interdiction de parler à ses collègues, on lui disait : “Toi, l’Arabe, au travail !” Ils ont abusé de sa vulnérabilité en lui faisant miroiter un CDI. C’est impossible qu’une entreprise mène de tels agissements au vu et au su de tout le monde dans une petite ville si elle ne bénéficie pas de protection. Il doit maintenant être reconnu comme victime. »