Suravenir, l’outil financier préféré de Jean-Pierre Denis

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Suravenir, la filiale phare du Crédit Mutuel Arkéa, vient d’acquérir trois vignobles dans le Bordelais, pour une somme estimée à 100 millions d’euros, auprès de la famille Pinault, qui détient l’entreprise de luxe Kering…dont Jean-Pierre Denis est administrateur. Ou comment gagner sur tous les tableaux.

Jean-Pierre Denis se souviendra longtemps de ce 18 juin 2020. Aucun appel radiodiffusé, ce jour-là, pour celui qui fut un temps secrétaire général adjoint de l’Élysée sous le gaulliste Jacques Chirac. Mais un aveu, en visioconférence, lors d’un conseil d’administration du Crédit Mutuel de Bretagne : celui, en filigrane, de son échec, face à la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), dont il voulait s’émanciper depuis de nombreuses années, pour faire du Crédit Mutuel Arkéa, « sa » banque.

Mais si Jean-Pierre Denis avait annoncé vouloir « prendre du recul » et « réduire très sensiblement sa présence et son interaction avec l’entreprise » aux administrateurs alors présents, c’était sans compter sur son goût prononcé pour le luxe, et ce quel qu’il soit.

Petite transaction entre amis

Car si l’homme d’affaires travaille désormais à temps partiel dans la banque — pour une rémunération fixe de 530 000 euros tout de même… Jean-Pierre Denis a trouvé à se reconvertir. Et pas n’importe où, puisqu’en grand amateur de vin qu’il est, il a mandaté la filiale phare du Crédit Mutuel Arkéa, Suravenir – déjà propriétaire du Château Calon Ségur, depuis 2012, après avoir déboursé pas moins de 170 millions d’euros —, pour acheter trois domaines viticoles dans le Bordelais, pour une somme estimée à 100 millions d’euros.

Lubie personnelle ? Projet malencontreux ? Désir d’enrichissement ? Nul ne sait trop quoi penser de cette acquisition aux frais des sociétaires de Suravenir. Qui avaient d’ailleurs déjà dû par le passé affronter la mauvaise gestion par les patrons du Crédit Mutuel Arkéa de sa filiale. En 2017, Suravenir avait en effet versé 550 millions d’euros de dividendes à Arkéa dans le but de gonfler le bilan de la banque en prévision de son indépendance – qui ne verra jamais le jour. Une politique dangereuse et contraire à l’intérêt des assurés, qui obligea la banque bretonne à recapitaliser sa filiale en urgence deux ans plus tard.

S’exprimant au sujet des trois vignobles, le patron (en retrait) du Crédit Mutuel Arkéa assure que « notre démarche s’inscrit dans le temps ». « Nous avons une approche respectueuse de l’histoire, du terroir et des équipes et nous allons engager un projet de développement cohérent et ambitieux sur le long terme ». Officiellement, rien à voir, donc, avec les liens qu’entretient le patron du Crédit Mutuel Arkéa avec François et François-Henri Pinault.

Les trois hommes se connaissent pourtant (très) bien. Le premier est en effet administrateur de l’entreprise de Luxe — encore et toujours — Kering, dirigée par François-Henri et fondée par son père, François Pinault. En résumé, Jean-Pierre Denis a fait l’acquisition, via une filiale de la banque qu’il préside, de trois domaines viticoles à plusieurs dizaines de millions d’euros, auprès d’une holding familiale avec laquelle il entretient des liens financiers. La boucle est bouclée.

Cette petite transaction entre amis aura au moins le mérite de satisfaire toutes les parties : la famille Pinault récolte une somme rondelette bienvenue par les temps qui courent et Jean-Pierre Denis soigne ses relations avec les deux magnats du Luxe tout en s’offrant un domaine viticole de plusieurs hectares, le tout avec l’argent des sociétaires de Suravenir, qui resteront quant à eux les grands perdants de l’histoire. Rien d’étonnant lorsqu’il s’agit de Jean-Pierre Denis.