Sanofi poursuit sa fuite en avant 

Sanofi, licenciements

Grand perdant de la course planétaire au vaccin, le géant français Sanofi, loin de redresser la barre, prévoit de supprimer 400 postes dans la recherche et le développement (R&D) d’ici fin janvier. La CGT a appelé les salariés à faire grève mardi 19 janvier. 

40 % des postes supprimés en dix ans

« C’est une honte, confesse un chercheur, scandalisé par la situation. Voir qu’on a été incapables de sortir un vaccin dans les temps, malgré notre statut, je trouve ça inacceptable. »

Mais étant donné la stratégie adoptée par Sanofi, qui licencie à tour de bras (6 387 employés en 2010 contre seulement 3 905 en 2020), et rechigne à investir dans la R&D, les choses ne sont pas près de s’arranger. « Le pire, c’est que la direction elle-même le reconnaît, avoue un cadre de Sanofi.  Le responsable monde de la R&D, John Reed, l’a admis en juillet 2019, lors d’une réunion interne réunissant tous les effectifs du groupe. Ce jour-là, il nous a expliqué que nous avions un budget de recherche 20  % inférieur à nos concurrents de taille équivalente. Et il a terminé en nous disant : “C’est à vous de prouver que vous êtes efficaces si vous voulez qu’on vous donne plus d’argent !” »

« C’est simple, ils ne veulent quasiment plus rien faire en interne, explique Pascal Collemine, chimiste et délégué CGT chez Sanofi.  Leur principe de base, c’est que la recherche coûte cher, et que c’est risqué. Ils renouvellent leur portefeuille de recherche à coups d’acquisitions, ce qui permet de sous-traiter le risque. Dernièrement, ils ont dépensé 1,1  milliard d’euros pour racheter une boîte anglaise spécialisée en biopharmaceutique, Kymab. Et si jamais l’entreprise qu’ils ont rachetée ne tient pas la route, ils s’en débarrassent. »

La direction pointée du doigt

Les choses ont commencé à dégénérer en 2009, avec l’arrivée du Canadien Chris Viehbacher à la tête du groupe. « C’était un financier, plus qu’un entrepreneur, argue Maxime, chercheur chez Sanofi.  C’est à partir de ce moment que les plans sociaux se sont enchaînés : il y a eu Transforming, puis Phoenix, puis Climb… Les gens qui les baptisent ont probablement lu Orwell : ces PSE ( plan de sauvegarde de l’emploi ) désignent exactement le contraire de ce qu’ils sont ! »

Ces licenciements sont «  totalement surréalistes, enrage Aline Eysseric, représentante CFDT.  Pour développer les médicaments du futur, nous avons besoin de R&D. Par ailleurs, mettre des gens à la porte dans un climat économique aussi dégradé est irresponsable. »