Guillaume Soro, la résistance infatigable

L’ancien Président de l’Assemblée nationale ivoirienne et ancien Premier ministre s’est aujourd’hui imposé comme le principal opposant à Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire. Poussé à l’exil par une cabale judiciaire dénoncée notamment par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, Guillaume Soro mène son combat pour l’alternance démocratique depuis la France.

Un opposant devenu une bête traquée

L’instance de Yamoussoukro n’en fera rien. « Aucune notice rouge contre Guillaume Kigbafory Soro, relative au mandat d’arrêt international de la justice ivoirienne, n’a été activée par les services d’Interpol », affirmait le média Confidentiel Afrique en janvier 2020. Si l’organisation intergouvernementale a adressé une fin de non-recevoir à la Côte d’Ivoire, c’est parce qu’elle estime que la condamnation de Guillaume Soro à la prison à perpétuité pour — entre autres chefs d’accusation — « atteinte à la sûreté de l’État », relève d’un choix politique et non d’une décision de justice. Pas évident, pourtant, pour Interpol de dire « Non » à l’un de ses États membres.

En avril 2020, c’est au tour de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, d’exiger d’Alassane Ouattara l’annulation du mandat d’arrêt international lancé contre Guillaume Soro. Pour François Patuel, du bureau d’Amnesty International à Dakar, la cabale menée contre Guillaume Soro n’est ni plus ni moins qu’une « instrumentalisation de la justice ».

Alassane Ouattara reste pourtant sourd à la pression internationale. Réfugié en France, le cas Soro dérange l’ancienne puissance coloniale. Emmanuel Macron sait qu’il a tout intérêt à préserver des liens étroits avec le président ivoirien, l’un de ses alliés les plus fidèles dans une région où, hormis le Tchad, il n’en compte plus beaucoup. Il n’hésite pas, en novembre 2020, à déclarer Guillaume Soro publiquement indésirable dans l’Hexagone. Selon Radio France International, le gouvernement français aurait même enjoint Guillaume Soro à quitter le territoire hexagonal en novembre 2020. Pourtant, réussir à faire taire celui qui, en tout et pour tout, a échappé à six attentats, semble peine perdue.

Rebelle un temps, fin politicien toujours

Si l’ancien candidat à la présidentielle ivoirienne de 2020 est aujourd’hui la cible privilégiée d’Alassane Ouattara, c’est parce qu’il a su se construire une envergure de premier opposant. En capitalisant notamment sur son parcours personnel. Issu d’une famille modeste et étudiant brillant, il s’est politiquement forgé comme un leader syndical étudiant de premier plan en s’attachant à dénoncer la corruption qui régnait alors dans le pays. En 2000, il s’est imposé comme l’un des leaders politiques de la rébellion contre Laurent Gbagbo, en structurant les forces de l’opposition. Sa force de caractère lui vaudra une assise populaire quasi inégalée dans le Grand nord ivoirien, alors fief de la rébellion. Il s’impose ensuite comme l’un des acteurs de la réconciliation nationale en 2003 en négociant, sous l’égide de la France, un compromis avec l’ensemble des différentes forces politico-militaires.

Il a ensuite occupé entre 2005 et 2012 les fonctions successives de ministre de la Communication, ministre de la Reconstruction, ministre de la Défense puis Premier ministre. Entre mars 2012 et février 2019, il deviendra le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.

Un long parcours aux plus hautes responsabilités qui tranche avec son jeune âge — 49 ans —, là où les principales figures de la vie politique ivoirienne dépassent souvent les 70 ans. Laurent Gbagbo a 76 ans, Henri Konan Bédié en a 87 ans et Alassane Ouattara 80 ans. Face à un Alassane Ouattara en fin de course, la popularité de ce jeune trublion, qui a multiplié les bains de foule, les sorties sur les réseaux sociaux et les meetings pleins à craquer, semblait rendre la fin de règne du président ivoirien presque inévitable. Face à sa montée en puissance, Alassane Ouattara manœuvre et réussit à verrouiller l’élection en écartant le candidat du mouvement Génération et Peuples solidaires de la course à la magistrature suprême, comme d’autres opposants sérieux.

Si Guillaume Soro a connu de près — et servi — tous les plus grands hommes politiques ivoiriens, il n’a jamais hésité à se détourner d’eux et à rentrer dans l’opposition quand il sentait qu’ils s’enfonçaient dans une pente autoritaire. Libération rapportait d’ailleurs en 2012, dans un portrait habilement nommé « Guillaume Soro, l’ambitieux d’Abidjan », que Laurent Gbagbo l’a toujours considéré comme son « meilleur chef de gouvernement ». Même après que le destin politique les a violemment séparés.

Démocratie, éducation et justice sociale

Guillaume Soro souhaite aujourd’hui renouer avec les fondements de l’héritage de Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance ivoirienne. En rétablissant la démocratie déjà, qu’il perçoit comme « la condition du redressement ». Puis en accordant la priorité à trois des ministères les plus sacrifiés par Ouattara, l’éducation, la santé et le logement, dont les failles minent encore le développement socio-économique du pays. Des choix finalement logiques mais qui, dans un pays où 46 % des Ivoiriens vivent avec moins d’un dollar par jour, ne relèvent pas de l’évidence pour le gouvernement en place.