Une nouvelle convention fiscale franco-belge pour quoi faire ?

La France et la Belgique ont annoncé avoir signé une convention fiscale le 9 novembre dernier. Cela ne fera pas revenir les exilés fiscaux français du plat pays, mais cela ramènera quand même un peu de justice fiscale. 

 

Le coût exorbitant de la fraude fiscale

Selon Oxfam France et le syndicat Solidaires-Finances publiques, la fraude fiscale coûterait chaque année entre 80 et 100 milliards d’euros. Autant de devises qui échappent aux recettes de l’État, alors que celui-ci connaît avec le « quoi qu’il en coûte » une inflation de sa dette. Cette dernière a, en deux ans, augmenté comme jamais auparavant, passant de 83 % du PIB à 102 %. Une menace de plus pour le modèle social français. 

Concernant l’évasion fiscale – c’est-à-dire l’évitement de l’impôt par abus de droit fiscal – le montant serait de 25 % des recettes fiscales liés à l’impôt sur les sociétés pour le pays. Cette dernière s’effectue bien entendu grâce aux paradis fiscaux exotiques, mais également à nos voisins, notamment belges.

 

Des « paradis fiscaux » à nos frontières

Qui dit paradis fiscal européen dit bien sûr Luxembourg, mais pas que. Le « filon belge » s’est fait connaître en 2012 du grand public à l’occasion de « l’affaire Depardieu », lorsque ce dernier avait choisi de se domicilier fiscalement en Belgique en y acquérant une propriété afin d’échapper à l’impôt français (c’est à dire devenir résident du plat pays). 

En effet, les pays signent des conventions fiscales afin d’éviter la double imposition pour les résidents étrangers. On s’attendrait donc à trouver des grands groupes français, dont le premier d’entre eux LVMH ou son dirigeant, Bernard Arnault, qui effectuent la majorité de leurs profits à l’étranger. Que nenni, ce dernier n’a d’ailleurs jamais été poursuivi par la justice ou le fisc français pour sa tentative (légale) d’exil fiscal dans le cadre de sa demande de naturalisation. Le cas le plus emblématique reste néanmoins celui de la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan, qui a carrément « colonisé »  une rue de la ville frontalière de Néchin, pour semble-t-il, échapper à l’impôt français. 

 

Une convention fiscale franco-belge pour rattraper les exilés fiscaux ?

Afin de lutter contre les trous dans la raquette du droit fiscal, les autorités françaises et belges ont signé, le 9 novembre 2021, une convention fiscale qui entrera en vigueur en 2023 ou 2024, en fonction du calendrier législatif. 

Selon Denis-Emmanuel Philippe, avocat-associé aux barreaux de Bruxelles et de Luxembourg et maître de conférences à l’Université de Liège, « une restructuration du patrimoine pourrait s’avérer opportune, en vue d’anticiper les conséquences fiscales défavorables de la nouvelle convention » pour les résidents (notamment français) en Belgique.

Selon lui, la nouvelle convention « va faire mal au portefeuille », « elle touchera de nombreux résidents belges, notamment les détenteurs d’actions de sociétés françaises ou les propriétaires d’immeubles en France ». Les possédants croyant que s’exiler serait une bonne affaire ad vitam æternam vont donc (un peu) passer à la caisse.  

 

Une convention pour pas grand chose

Aujourd’hui, les résidents et entreprises belges détiennent encore deux avantages. Le premier, en matière d’immobilier détenu en propre ou en société, permet aux nombreux particuliers et entreprises belges qui détiennent de l’immobilier en France au travers d’une société de ne pas être imposés par la France lors d’une plus-value provenant d’une cession de parts de sociétés immobilières françaises leur appartenant. Dès l’entrée en vigueur de la convention, cet avantage « sautera », ni plus ni moins.

Le deuxième concerne les investisseurs résidant en Belgique qui détiennent des actions de sociétés françaises, donc nos fameux patrons trouvant l’herbe plus verte de l’autre côté de la frontière : la quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) ne devrait pas faire long feu. Cette dernière permettait, depuis 2021, de déduire à hauteur de 15 %, le précompte sur le dividende payé en France du précompte mobilier payable en Belgique. Traduction : le dividende français était moins taxé que le dividende belge. Ce sera bientôt de l’histoire ancienne comme l’explique Héloïse Vinale: « Dès l’entrée en vigueur du texte, pour un dividende français de 100 euros, la France prélèvera sa part de 12,8 %. Sur les 87,2 euros qui passent la frontière, la Belgique prélèvera le précompte mobilier de 30%, soit 26,16 euros. Au final, sur un dividende de 100 euros, il restera 61,04 euros à l’investisseur-contribuable (contre 70 euros, s’il s’agit d’un dividende d’action d’une société belge) ». La France retrouve donc son manque à gagner de 12.8 % et les actions belges redeviennent compétitives.

 

On doute que les exilés fiscaux choisissent, sur le seul motif de cette convention, de revenir au pays. On espère cependant que l’élection présidentielle fera revenir le vieux serpent de mer de l’évasion fiscale et du manque de contrôleurs… Pour la dernière fois. On a quand même encore le droit de rêver.