Mercredi 27 avril, la République centrafricaine a reconnu le bitcoin comme monnaie légale. Une mesure jugée surréaliste, mais qui permettra à ce pays sous-développé de se passer du dollar pour ses transactions internationales, une aubaine pour Moscou.
Opportunité ou mascarade ?
J’ai « promulgué la loi dans l’espoir que ce serait une opportunité pour le développement économique et technologique de la RCA », a tweeté mercredi le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra. Mais la mesure est loin de faire l’unanimité.
Allant dans le sens du président, l’économiste Philippe Herlin estime que « le bitcoin comme monnaie légale peut rendre des services à la population, notamment aux Centrafricains immigrés qui envoient des sommes d’argent au pays ». « Actuellement, ils passent par des banques ou des opérateurs spécialisés qui prennent des frais importants, avec le bitcoin les frais sont nettement inférieurs, voire inexistants », affirme l’essayiste.
A l’inverse, l’ancien Premier ministre centrafricain Martin Ziguélé souhaite, lui, « attaquer cette loi devant le Conseil constitutionnel ». Ce texte « est une manière de sortir du franc CFA par un moyen qui vide de sa substance la monnaie commune, ce n’est pas une priorité pour le pays, cette démarche interroge : à qui profite le crime ? », souligne-t-il.
Contourner le dollar
Et le « crime » semble avant tout profiter à Vladimir Poutine. « L’une des pistes possibles de cette adoption soudaine du bitcoin comme monnaie légale pourrait être une volonté de contourner les sanctions internationales prises contre la Russie depuis le début de la guerre », avance Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique centrale à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
En effet, « la Centrafrique est un pays exportateur de ressources naturelles, libellées et facturées en dollars, ce qui fait que lorsqu’elle veut payer un autre pays, elle le fait en dollars, illustre le professeur d’économie Grégory Vanel. Or, depuis les sanctions internationales adoptées contre la Russie et son exclusion du système interbancaire Swift, ce n’est plus possible si elle veut commercer avec la Russie ».