Suite à l’élection du candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (dit Lula), le président sortant Jair Bolsonaro n’a pas, comme le veut la coutume, reconnu officiellement sa défaite. Son silence, pris pour un appel au putsch par certains de ses partisans, aurait pu conduire au pire.
Barrages de routiers
Vainqueur à 50,9% contre 49,1% (soit environ avec 2 millions de voix de plus), le président nouvellement élu s’est voulu rassembleur. « Il n’y a pas deux Brésil. Nous sommes un seul pays, un seul peuple », a-t-il proclamé, comme pour se rassurer lui-même. Et inquiet, Lula avait de quoi l’être, la situation n’ayant pas tardé à se détériorer dès dimanche soir. Un peu partout dans le pays, des barrages ont été érigés par des partisans bolsonaristes (principalement camionneurs), souvent avec le soutien de la police routière fédérale.
« Il y a des signes qui montrent que ces groupes se sont articulés autour des réseaux sociaux, qu’il y a eu une mobilisation des camionneurs avant même la défaite de Bolsonaro », explique Odilon Caldeira Neto, professeur d’histoire contemporaine à l’université fédérale de Juiz de Fora et coordinateur de l’Observatoire de l’extrême droite. « Tout était combiné depuis longtemps entre les camionneurs et les patrons », abonde Wanderlei Alves, un des leaders de la grande grève de 2018.
Appel au soulèvement de l’armée
Outre les routiers, des milliers de bolsonaristes extrémistes se sont rassemblés devant des bases militaires et autres quartiers généraux des forces armées pour demander aux soldats de venir leur prêter main-forte. « Forces armées, prenez le Brésil ! », criaient les manifestants devant les enceintes barbelées.
La Cour suprême a condamné lundi des « actes antidémocratiques » nuisant gravement à l’économie du pays, et demandé aux autorités d’user de forcer pour faire lever les barrages et disperser les manifestants.
Passation laborieuse
Les bolsonaristes, qui attendaient un signe de leur chef, n’ont toutefois pas fait plus de grabuge, la situation restant entre deux eaux jusqu’à ce que leur leader reprenne la parole mardi. Une passation de pouvoir lente et difficile, que Jair Bolsonaro a finalement expédiée en moins de deux minutes.
« Comme président de la République et citoyen, je continuerai à accomplir toutes les exigences de la Constitution », a simplement déclaré le président sortant, laissant entendre qu’il se pliait à la volonté du peuple. Bolsonaro s’est ensuite éclipsé sans plus de cérémonie, laissant à son directeur de cabinet, Ciro Nogueira, le soin de confirmer la passation de pouvoir : « Le président Jair Bolsonaro a donné son accord pour commencer le processus de transition ».
Avenir incertain
Pour Carlos Fico, historien spécialiste de la dictature, un putsch était peu probable. « Je ne vois aucune possibilité de coup militaire. Les généraux sont restés silencieux. L’extrême droite est frustrée par la défaite de Bolsonaro et espérait une réaction putschiste de sa part, comme il a toujours suggéré qu’il ferait. Cette réaction n’est pas venue. Mais ces groupes d’extrême droite vont rester sur la scène politique et le pays va devoir apprendre à cohabiter avec eux ».
Désormais « il est essentiel pour Bolsonaro de maintenir son leadership sur l’extrême droite brésilienne, y compris pour réussir à mobiliser dans le cas d’éventuelles poursuites judiciaires ou pour soutenir une possible nouvelle candidature dans quatre ans », estime Odilon Caldeira Neto. Toutefois, selon Carlos Pereira, professeur d’administration publique à la Fondation Getulio Vargas, il est aujourd’hui certain que « Bolsonaro va perdre de l’influence dans la politique brésilienne. Les électeurs et les partis de droite vont avoir tendance à chercher un nouveau leader moins truculent ».