L’Assemblée vire à la cour de récréation

Assemblée, injures

Ces derniers temps, les tensions entre députés lors des séances à l’Assemblée nationale ont atteint un niveau de violence rarement inégalé. En cause, une polarisation de l’effectif ayant fait la part belle aux extrêmes, plus révoltés et enclins à s’écharper, et des séances nocturnes, au cours desquelles la patience de tous est mise à rude épreuve. 

Invective sur invective

La semaine passée, les débats ont été particulièrement houleux à l’Assemblée jeudi 24 novembre, les députés étant montés en pression jusqu’à ce que la séance doive être suspendue par la présidente, Naïma Moutchou.

« Tu vas la fermer ! », ont été les derniers mots prononcés par Olivier Serva, député Liot (Liberté, indépendants, outre-mer et territoires) à l’adresse de Sylvain Maillard, président par intérim du groupe Renaissance, avant la suspension de séance. « Il faut que l’on redescende tous, sinon ça va mal se terminer », a ensuite tenté de tempérer l’un des élus durant la pause, sans succès. 

En effet, quelques minutes plus tard la députée insoumise Sophie Chikirou aurait proféré des « intimidations » à l’encontre du député Renaissance Denis Masseglia, ce dernier affirmant qu’elle serait venue le voir index pointé vers lui, lui intimant de « sortir dehors ». « Elle était extrêmement agressive donc j’ai refusé », explique l’intéressé. « La scène a choqué de nombreux collègues, on a cru qu’elle allait lui sauter dessus ». « Il m’a dit “ferme ta gueule” depuis son banc », se défend l’autre.

RN et LFI pointés du doigt

« C’est normal qu’on s’engueule sur le fond, c’est sain et ça arrive tout le temps. Mais ce soir-là, on a atteint un degré de violence verbale et physique que je n’avais jamais vu à l’Assemblée », témoigne la députée Renaissance Marie Lebec. « Je n’avais jamais vécu ça en six ans de mandat. Cette soirée va laisser des traces, c’est une certitude », abonde une autre parlementaire, se disant « choquée »  par la « violence » de la soirée.

« Des situations qui auparavant étaient exceptionnelles sont devenues quasi quotidiennes », déplore la députée LR Véronique Louwagie, qui ne peut s’empêcher de faire le lien avec les nouveaux arrivants, les élus RN et LFI, qui créent « de fortes tensions avec leurs invectives ». « Il n’y a plus aucun respect. C’est tendu, très très tendu. Tellement tendu que ça ne m’étonnerait pas que ça se termine par de vraies violences physiques ».

Les députés Insoumis veulent toujours « bordéliser les débats », accuse une élue de la majorité. « Avant, ils étaient 19, c’était encore gérable. Maintenant, ils sont 75 et certains sont des nouveaux qui n’arrivent clairement pas à se contrôler ».

Conséquence des séances de nuit ? 

« Il y a un épuisement moral qui fait que certains maîtrisent moins leurs émotions dans les séances de nuit », explique la députée Renaissance Violette Spillebout. « L’ambiance de travail est détestable, la tension est permanente et le terrain est propice à ce que tout le monde s’enflamme au moindre propos qui sort du cadre », abonde le député LFI Hadrien Clouet.

« Je ne sais pas comment verbaliser la situation… Ce mandat a quelque chose de brutal, d’animal. Comme si l’on retrouvait à l’Assemblée toute la violence qui existe dans la société. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais en tout cas, ça secoue », résume une autre élue.