Arkéa Suravenir
Economie

Depuis l’annonce du départ de Jean-Pierre Denis de la présidence du Crédit Mutuel Arkéa, certains Bretons grincent des dents. En cause, l’omniprésence de l’homme d’affaires dans les filiales de la banque, qui lui assure des revenus plus que confortables et, d’après certains, une possible emprise sur son successeur.

Fin juin de l’année passée, le chiraquien Jean-Pierre Denis faisait état de sa volonté de « prendre du recul » avec la présidence du Crédit Mutuel Arkéa, sans pour autant quitter son poste. D’aucuns avançaient alors que la démission de son historique directeur général, Ronan Le Moal, la même année et la léthargie du projet d’indépendance de la banque bretonne, avaient porté un coup fatal à l’énarque.

Des soupçons confirmés en mars 2021, quand Jean-Pierre Denis annonce officiellement son départ de la présidence d’Arkéa. Et celui-ci d’en profiter pour fustiger la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, maison mère de la banque bretonne et historiquement hostile au projet d’indépendance : « mon départ repose sur les constations que j’ai faites, il n’y a aucune raison liée au groupe Arkéa […] La Confédération s’est immiscée dans des décisions relevant des instances d’Arkéa et a porté atteinte à ma liberté de choix ». Des paroles amères symptomatiques d’un constat d’échec que l’homme n’a pas digéré, mais avec lequel il devrait pouvoir vivre.

Les domaines de Suravenir

Car depuis près d’une décennie, Jean-Pierre Denis prépare sa « retraite » : en 2012, sous l’impulsion de l’ex-président d’Arkéa, Suravenir, la filiale de la banque spécialiste de l’assurance vie, se diversifie en faisant l’acquisition du vignoble Château Calon Ségur, pour la coquette somme de 170 millions d’euros. En 2016, toujours selon les souhaits de Jean-Pierre Denis, Suravenir persiste et signe en fondant la société Les Terroirs de Suravenir, dont l’objectif ne sera ni plus ni moins que de garnir le portefeuille viticole de sa maison-mère. Besogneuse, cinq ans après sa création, Les Terroirs de Suravenir peut d’ores et déjà se vanter d’avoir fait l’acquisition de trois vignobles, dans des régions de France plutôt huppées (Saint-Émilion, Pomerol…).

En bon stratège qu’il est, Jean-Pierre Denis s’y est bien évidemment offert une place de choix, tant dans la société Chateau Calon Ségur qu’aux Terroirs de Suravenir : l’homme cumule ainsi les fonctions de Président du conseil d’administration, de Président et d’administrateur pour la première quand il est Président du conseil de surveillance de la seconde. Au-delà de ces titres officiels, Jean-Pierre Denis est l’homme à la manœuvre derrière ces deux entités.

Ainsi, après avoir lui-même mené les négociations pour l’acquisition de Château Calon Ségur en 2012, c’est lui qui, en 2020, confirmait l’acquisition des trois nouveaux domaines viticoles par Suravenir. Plus encore, au mois de mai de l’année en cours, Jean-Pierre Denis se confiait dans les colonnes du Figaro sur son avenir post-démission d’Arkéa, « confortablement installé dans un canapé du salon du Château Calon-Ségur ». Et l’homme — qui se définit comme un « amateur » de vins de bordeaux — de laisser la porte ouverte à de nouvelles acquisitions viticoles et de confirmer celle de deux pieds à terre dans le centre de Saint-Émilion.

Dès lors, au regard de son omniprésence dans ses filiales, difficile de dire que l’homme a quitté la banque bretonne, si ce n’est sur le papier. À tel point que d’aucuns voient dans la récente prise de position de Julien Carmona, nouveau président du Crédit Mutuel Arkéa, en faveur du projet d’indépendance de la banque, ni plus ni moins que l’emprise de Jean-Pierre Denis, qui, d’après ses propres mots, n’a aucune intention de « prendre du recul » : « avec Suravenir, nous sommes dans le temps long ce qui nous permet de faire des projets à 10 ou 20 ans ».

EconomiePolitique

Front commun chez Engie et Suez, où l’intersyndicale est vent debout contre le projet d’Antoine Frérot, PDG de Veolia. En effet, le grand patron souhaite acheter à Engie sa participation dans Suez, créant de facto un monopole sur la gestion de l’eau en France. Au-delà de la viabilité économique du projet, critiquée par de nombreux experts, les craintes d’un cataclysme social gagnent les rangs des syndicats. 

Fait très rare ces dernières années, l’union syndicale semblait de mise mardi dernier, au pied de la tour Engie. Derrière une banderole commune s’affichaient, ensemble, la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC et même la CFDT. Le temps d’un combat, les divisions syndicales intestines, tant visibles pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, ont semblé s’envoler derrière une colère collective, vivace et partagée. Car l’ambiance était peu commune. Aux gilets oranges et rouges des syndicats, se mêlaient costumes-cravates et bleus de travail. Chez Suez, l’ensemble des salariés tentent de faire front contre l’ogre Antoine Frérot, qui souhaite les absorber pour, à terme, les dépecer ?

 

« Veolia, ton OPA on n’en veut pas !»

 

Car le projet d’Antoine Frérot inquiète. En rachetant à Engie sa participation dans Suez, il pourrait déclencher un cataclysme social. “70 000 emplois dans le monde sont concernés et 35 000 en France” déclare, à l’Humanité, Fabien Roussel, député communiste du Nord et secrétaire national du PCF, venu apporter un soutien parlementaire et politique aux manifestants. Comme d’ailleurs, 19 députés Les Républicains, signataires d’une tribune commune.

Mais l’opposition à ce projet est aussi verticale. La direction générale tente, chaque jour, de repousser les assauts d’Antoine Frérot. Et évoque aussi le risque d’une vague brutale de licenciements. Plus modeste, cependant.  “Évidemment que ça aboutirait à une casse sociale. On l’a chiffrée à 10 000 personnes dans le monde, dont 4 à 5 000 en France” explique Jean-Marc Boursier, Directeur général adjoint du groupe Suez.

Face à ce risque, les journées de grève se multiplient. Les débrayages rassemblent la quasi-totalité des salariés aussi. 90 % de grévistes dans les incinérateurs de Suez ont été comptabilisés le 8 septembre, tandis que certains sites en comptaient 100%. A l’appel de l’intersyndicale, 7 salariés sur 10 ont débrayé deux heures. “Le personnel est opposé à cette OPA, qui marquerait un démantèlement du groupe” explique Franck Reinhold von Essen, l’un des responsables syndicaux de Suez. “Qui dit OPA, dit licenciement” résume Force Ouvrière.

Intersyndicale, la mobilisation est aussi interentreprises. Le 1er septembre, la CGT Engie et la CGT Suez ont signé un communiqué commun, dénonçant tour à tour le « désossage » et la « mise à mort annoncée » des deux groupes. « On sait d’avance que les synergies énormes qu’il annonce, et qui serviront en partie au financement de l’opération, se feront par la destruction massive d’emplois » estime la CGT. En effet, il est peu probable que la nouvelle structure conserve les salariés « doublon », autant présents dans les directions régionales, les fonctions supports ou les centres de recherche.

« J’ai trente-cinq ans de maison dont vingt sur les réseaux de distribution et aujourd’hui, mon entreprise, créé en 1841, est démantelée. On a travaillé jour et nuit sur les canalisations et ils veulent nous filer à des financiers qui n’en ont rien à faire de nous ni de nos métiers » déplore un syndicaliste, dont les propos ont été recueillis par l’Humanité.

 

Pas de risque de perte d’emplois ?

 

Antoine Frérot tente pourtant de rassurer : « Pour les salariés de Suez, il n’y a strictement aucun risque de perte d’emploi ». Un message qui, pourtant, a du mal à passer. Déjà parce qu’Antoine Frérot a 62 ans et que son troisième mandat s’achève en 2022. S’il souhaite prendre sa retraite ou n’est pas reconduit pour un quatrième mandat, rien n’empêchera la nouvelle présidence de réduire les effectifs. Une promesse qui, in fine, ne serait qu’un court sursis pour les salariés.

Mais aussi car cette promesse n’engage que celles et ceux qui y croient. En effet, Antoine Frérot a, pendant sa présidence, multiplié les plans d’économies. Le premier entre 2013 et 2015, conduisant à 800 départs volontaires et 1 400 changements de poste, ainsi que 900 départs non-remplacés. Un nouveau entre 2016 et 2018, visant une réduction de coûts de 600 millions d’euros. La feuille de route 2020 – 2023 vise des économies de 250 millions d’euros par an pour, à terme, atteindre le milliard d’euros d’économies. Une réputation de cost-killer qui ne pousse guère à lui attribuer une entière confiance. D’autant qu’entre 2014 et 2017, quatre plans sociaux se sont succédé dans la branche Eau de Veolia, aboutissant à la suppression de plus de 3000 postes. Un destin que craignent de connaitre les salariés de Suez.

De son côté, Jean-Claude Clamadieu, directeur général d’Engie, réitère sa volonté de vendre ses participations dans Suez. Même s’il tente d’en négocier encore un peu le prix. Pour lui, le destin de Suez lui apparaît comme une problématique bien secondaire. « Derrière cette fusion, se cache en réalité une grosse opération financière d’Engie qui se dégage de 60 % de ses activités : eau, déchets, mais aussi toute la filière froid » résume Fabien Roussel pour l’Humanité.

 

 

solidarité, PDG, covid19
EconomieIdées

Nombre de dirigeants, de Jean-Paul Agon (L’Oréal) à Jean-Dominique Sénard (Renault) en passant par Jean-Pierre Denis (Crédit Mutuel Arkéa) ou encore Jean-Laurent Granier (Generali), ont fait le choix de renoncer à une partie de leur rémunération pour répondre à la crise du Covid-19. Altruisme ou simple coup de comm’ ? La question mérite d’être posée.

Annonces en pagaille

Diminution de 25 %, 30 %, suppression de la part variable, baisse des dividendes… Les dirigeants français ont fait preuve de solidarité ces derniers mois pour répondre à la crise sanitaire qui frappe la planète. Chacun à son niveau : chez Michelin, Florent Menegaux et Yves Chapot ont diminué leur salaire de 25 % pour les mois d’avril et mai, Benoit Coquart, PDG du spécialiste des infrastructures électriques Legrand, a pour sa part gelé son salaire pour l’année 2020 et le président du directoire de Peugeot, Carlos Tavares, a réduit sa rémunération fixe de 35 % sur 2020.

Des décisions qui, si elles doivent tout de même être saluées, sont à mettre en perspective. De l’acte de solidarité au simple coup de comm’, il n’y a qu’un pas. Jean-Paul Agon, le PDG de L’Oréal, qui a annoncé en grande pompe le 12 mai, qu’il renonçait à 30 % de son salaire pour l’année 2020, fait par exemple partie des PDG les mieux payés du CAC 40 (10 millions d’euros en 2018), et peut même se targuer d’avoir le salaire fixe le plus élevé de la place. Les quelques millions qu’il devrait tout de même percevoir au titre de l’année en cours lui apporteront sans nul doute une certaine sérénité.

Le coup double d’Arkéa

Dans la rubrique coup de comm’, sur fond de polémique, l’annonce de la direction du Crédit Mutuel Arkéa, filiale bretonne du Crédit Mutuel, de renoncer à sa rémunération variable mérite que l’on s’y attarde. Dans son rapport 2019, publié en mai dernier, la banque annonçait que son président ainsi que ses directeur général et directeur général délégué « ont fait le choix de renoncer par avance à percevoir la rémunération variable qui aurait pu leur être attribuée au titre de 2020 ».

Coup double pour la direction de la banque bretonne, tancée depuis plusieurs mois par le Crédit Mutuel concernant justement ces rémunérations variables. Pour rappel, en 2019, Jean-Pierre Denis, le président, avait perçu plus d’un million d’euros au titre de sa rémunération variable, tandis que celle de l’ancien directeur général de la banque, Ronan Le Moal, s’élevait à 850 000 euros et celle de la directrice générale déléguée, Anne Le Goff, à 400 000 euros. Des rémunérations jugées illégales par le Crédit Mutuel, notamment eu égard aux statuts du groupe mutualiste… que les dirigeants d’Arkéa tentent depuis par tous les moyens de modifier, faisant face à l’opposition des syndicats bretons. « Le Covid tombe à pic », ironise un connaisseur du dossier.

L’audace Générali

Là encore, sur fond de polémique, concernant cette fois le refus des assureurs français d’indemniser les pertes d’exploitation liées au Covid-19 de leurs assurés professionnels, l’assureur français Generali annonçait, courant avril, la diminution de 20 % de la rémunération fixe des membres du comité de groupe, parmi lesquels son PDG, Jean-Laurent Granier.

Une belle preuve de solidarité si elle n’était pas entachée du refus de l’assureur de venir en aide à ses assurés professionnels. Si remboursement il y a, « il n’y aurait plus d’assureurs dommages », clamait ainsi le PDG de Generali France fin avril. Qui a depuis quelque peu revu sa position face à la polémique grandissante et la multiplication des actions en justice des assurés contre leurs assureurs. Solidaire oui, mais pas trop.

Assurance Axa coronavirus
Economie

Alors que les assureurs clament depuis le début de l’épidémie que les circonstances actuelles ne permettent pas l’indemnisation de leurs assurés, Axa, attaqué en justice par l’un de ses clients professionnels, vient de se voir ordonner par la justice la prise en charge des pertes d’exploitation de celui-ci.

Comme un bras d’honneur lancé au visage des centaines de milliers d’entrepreneurs français ; ou, au mieux, un abandon en rase campagne : le lâchage des assureurs tricolores face à la crise que traversent, en raison de l’épidémie de coronavirus, les entreprises françaises, ne passe décidément pas. Couvrir les risques liés à la pandémie serait ainsi, selon la présidente de la Fédération Française des Assurances (FFA), Florence Lustman, « totalement hors de portée des capacités des assureurs », selon qui « les risques systémiques ne sont pas mutualisables et ne sont pas assurables ».

Une fin de non-recevoir bien en deçà des attentes des TPE/PME, et une manière de botter en touche, la puissante fédération assurant ne pouvoir intervenir qu’en « complément » de l’Etat. Face au tollé, la FFA s’est bien engagée, le 19 mars, à soutenir les professionnels dont l’activité est réduite, voire totalement empêchée par la crise sanitaire. Mais ses promesses, limitées aux risques de retards de paiement et à la seule période de confinement, ont fait l’effet d’une douche froide. Un effort « nettement insuffisant », balaie le syndicat des indépendants (SDI) ; de simples « mesurettes », déplore celui des hôteliers (UMIH).

Les assureurs montent au créneau contre le Crédit Mutuel

Dans ce contexte de défiance légitime vis-à-vis d’un secteur se défaussant de ses responsabilités, l’annonce du Crédit Mutuel a fait l’effet d’un pavé dans la marre. Les Assurances de la banque mutualiste et de sa filiale CIC ont en effet annoncé, mi-avril, un geste exceptionnel en faveur de leurs clients professionnels : le versement d’une « prime de relance mutualiste, forfaitaire et immédiate », d’un montant total de 200 millions d’euros — soit 7 000 euros en moyenne pour chaque assuré.

L’élan de solidarité du Crédit Mutuel a, dans la foulée, été imité par plusieurs de ses concurrents, comme le Crédit Agricole, la BPCE ou la Maaf. Une initiative qui, selon Nicolas Théry, président de la banque mutualiste « correspond à la vision qu’ont les assurances du Crédit Mutuel de la mutualisation des risques ». Mais pas, manifestement, à celle des assureurs généraux qui, par la voix de la FFA, ont dénoncé une « campagne de communication trompeuse et mensongère », « un préjudice majeur » et « une inacceptable concurrence déloyale ». L’Agéa, fédération regroupant notamment Axa, Generali et Allianz, a quant à elle annoncé avoir saisi le gendarme français de la finance (APCR) pour statuer sur ce qu’elle qualifie, toute honte bue, de situation « moralement choquante ».

Dans le même temps, le restaurateur Stéphane Manigold assignait son assureur, Axa, en justice, pour refuser de couvrir ses pertes d’exploitations liées à l’épidémie. Le procès qui s’en est suivi en dit long sur la logique des assureurs : selon une source proche du dossier, les assureurs n’ont ainsi pas hésité à fonder leur riposte sur des arguments plus saugrenus les uns que les autres : le confinement n’était pas une fermeture administrative, mais uniquement « au public », un cas de figure exclu de leurs contrats ; cette fermeture n’empêchait pas de faire des affaires, les professionnels concernés n’avaient qu’à se montrer imaginatifs ; l’arrêté ministériel de fermeture au public était illégal, car pris par le ministère de la Santé, incompétent en la matière ; enfin, quand bien même leurs arguments seraient rejetés par les tribunaux, les assureurs ne couvrent pas le risque de pandémie. Ils ne rembourseront donc pas leurs clients…. A moins d’y être forcés ?

La justice tranche en faveur des « petits »

Une ligne de défense, et une insondable mauvaise foi, que confirmait Stéphane Manigold il y a quelques jours : « Axa aujourd’hui renvoie l’Etat à ses responsabilités et veut prendre en otage l’ensemble des restaurants, cafés et commerces parce qu’il déclare que l’arrêté du 14 mars n’a aucunement ordonné la fermeture des restaurants et que ces fermetures résultent de la seule décision volontaire et non contrainte des restaurateurs », pestait alors le chef parisien. « C’est aussi scandaleux que ça », s’insurgeait-il, en appelant au ministre de l’Economie : « Bruno Le Maire, donnez-nous la preuve qu’Axa ment. (…) L’Etat doit venir à notre secours et ne peut accepter une telle position d’un grand groupe français ».

Et tout porte à croire qu’il a été entendu : le 22 mai, les magistrats ont en effet tranché en faveur du restaurateur. L’assureur s’est ainsi vu ordonner par le tribunal de Commerce de Paris d’indemniser son assuré. Une décision judiciaire qui pourrait bien créer un précédent, et qui redonne espoir aux professionnels français : « on avait un genou à terre. Aujourd’hui, la justice nous a donné une béquille et nous a dit “‘regardez vos contrats, vous avez la possibilité d’être sauvés et de ne pas mettre la clef sous la porte”’. Le président du tribunal a donné une décision forte. Il a, un à un, rejeté les arguments massifs d’Axa. Je suis fier de ce que cela va générer pour mes amis restaurateurs. C’est une victoire sans précédent ».

Axa, qui a été condamné à verser pas moins de 70 000 euros à son client ainsi que 5 000 euros d’indemnités a, comme on pouvait s’y attendre, fait appel de cette décision. De quoi changer l’issu du procès ? Quoi qu’il en soit, « nous avons affronté AXA une multinationale et nous avons gagné », confie Stéphane Manigold. Nul doute que le mot est bien passé auprès de ses confrères qui ne devraient pas tarder à suivre son exemple.

 

prisons, droit de vote
PolitiqueSociété

La Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) a récemment déclaré que les détenus ne pourraient pas voter directement dans leur centre pénitentiaire pour les municipales des 15 et 22  mars,  en raison des  « difficultés organisationnelles »  et de la  « complexité »  d’un tel scrutin ( local, à deux tours). 

«  Devoir de l’Etat  »

Pour ce scrutin,  « si chacun était inscrit dans une commune différente et qu’il fallait envoyer le bulletin le jour J dans chaque lieu de vote, ça aurait été compliqué », s’est justifié Amin Mbarki, chef du département des politiques sociales et des partenariats à la DAP.

Une observation aussitôt réfutée par les associations de défense des droits de l’Homme. « C’est peut-être plus complexe, mais ça fait partie des devoirs de l’État de permettre aux détenus de voter, assure François Bès, de l’Observatoire international des prisons.  Or, il n’y met ni les moyens ni la volonté. »

Les prisonniers pourront tout de même voter, mais seulement par procuration, une procédure qui  «  demande une organisation  » et n’est pas la «  priorité » des détenus, explique François Bès. Quelques chanceux bénéficieront d’une permission de sortie, pour aller directement au bureau de vote,  mais une telle procédure est «  très rarement acceptée ».

Solution simple

« On a essayé de m’expliquer pourquoi les détenus n’avaient pas le droit de voter, je ne l’ai toujours pas compris », déclarait Emmanuel Macron en mars 2018, mais la fausse naïveté du président ne trompe personne. « Ça fait des années qu’on essaye d’expliquer comment faire », s’emporte François Korber, délégué général de l’association Robin des lois. 

« L’article R40 du Code électoral donne le pouvoir au préfet de créer des bureaux de vote. Cela a déjà été fait dans des monastères, pourquoi pas dans les prisons ? Rien ne s’y oppose », explique François Korber, qui propose que les détenus soient inscrits directement sur les listes de la commune où se trouve la prison.

Mais cette solution n’est même pas envisagée par le ministère de la Justice, qui craint un  « déséquilibre électoral »  si  « le nombre de personnes détenues, votantes, est significatif par rapport au corps électoral de la commune ». « Cet argument n’est pas légitime, rétorque François Korber. Si, demain, un régiment de cavalerie s’installe dans un village, on peut penser que le vote de cette commune sera modifié, et pourtant, on laissera ces militaires voter.  Et si ça peut pousser les élus à aller voir ce qu’il se passe dans les prisons, ce ne  serait pas plus mal ».

constitution, Russie
International

Mardi 10 et mercredi 11 mars, les députés de la Douma (Chambre basse) ont étudié en deuxième et troisième lectures le projet d’amendements de la Constitution de 1993 promise par Vladimir Poutine le 15  janvier dernier. Le texte a été soumis, dans le même temps, au Conseil de la Fédération (Chambre haute), et il sera étudié en fin de semaine par les parlements régionaux. A l’issue de cette phase de discussion, un référendum sera organisé, le 22 avril.

Poutine prépare son avenir

Pour la directrice du centre Russie-NEI à l’Ifri, Tatiana Kastouéva-Jean, par cette réforme, le président russe veut « assurer non seulement sa propre position après 2024, mais aussi la stabilité du système. Vladimir Poutine tente un rééquilibrage entre les différents centres du pouvoir ».

Et face à ceux qui s’inquiètent qu’il puisse vouloir rester au pouvoir, Vladimir Poutine se veut rassurant. « Ce n’est pas que je ne veuille pas. J’aime mon travail. Mais se décider à mettre en place une sorte de schéma de pouvoir qui serait inacceptable pour le pays ou pourrait le détruire, juste pour garder ses pouvoirs, c’est ce dont j’ai peur et c’est ce que je n’ai pas envie de faire », a fait savoir le président russe lundi. 

Selon le quotidien économique  Vedomosti, Vladimir Poutine n’aurait pas non plus l’intention de prendre la présidence du Conseil d’État à la fin de son mandat. L’avis général est que le président sortant chercherait avant tout à organiser un processus de transition qui lui soit favorable, pour sécuriser au mieux son avenir.

Dieu fait son retour

Mais l’élément le plus marquant de cette réforme est la mention de Dieu dans un des articles de la constitution, alors que le texte faisait jusqu’alors de la Russie « un État laïc »,  multiethnique et multiconfessionnel. 

Plus de tout cela donc, puisque la Constitution prend désormais pleinement le parti de «  Dieu  » :  « La Fédération de Russie est unie par mille ans d’histoire et par le testament que représente la mémoire de nos ancêtres qui nous ont transmis nos idéaux et la foi en Dieu comme la continuité du développement de l’État russe. »

Mais ironiquement, le texte stipule également que la Russie est la digne héritière de l’URSS, un régime pourtant profondément anticlérical. « Cela représente une nette contradiction mais que Vladimir Poutine entretient depuis plusieurs années. Et ce passage résume sa stratégie politique de s’adresser à toutes les tendances de la société russe et de les agréger : nostalgiques de l’Union soviétique, défenseurs du tsarisme et fidèles de l’Église orthodoxe », explique l’historien Naum Kleiman.

Coup de gueuleSociété

Deux hommes ont été très légèrement condamnés pour une agression transphobe d’une extrême violence à Bordeaux en décembre dernier

L’agression remonte au 8 décembre dernier. Les deux individus ont depuis été condamnés à six mois de prison avec sursis pour ; « violences en réunion et liées à l’identité de genre ». La peine est assortie d’une mise à l’épreuve de deux ans avec obligation d’indemniser la victime et d’effectuer un stage de citoyenneté. Étant donné les circonstances de l’agression, la condamnation semble extrêmement légère.

Une agression transphobe

L’avocate de la victime, Me Marilou Séval, a annoncée la nouvelle. Ce qui est déjà encourageant c’est que la victime ait été relaxée. La jeune femme était en effet poursuivie pour avoir blessé un de ses agresseurs. Il semble qu’elle s’était défendue en portant des coups de talons. Il est déjà extraordinaire que cette femme de 25 ans ait été inquiétée pour s’être défendue. Les circonstances de l’attaque étant déjà extrêmement traumatisantes.

Le 8 décembre dernier la jeune femme sortait d’une boite de nuit du centre ville avec ses amies. Des inconnus l’ont violemment pris à partie et insultée en raison de son identité de genre. Elle a ensuite été tabassée et ses agresseurs l’ont jetée du haut d’une voie d’accès à un parking. Elle a subit une chute d’au moins deux mètres. Suite à cela les agresseurs ont pris la fuite mais ont été interceptés par la police. On est en droit de se demander pourquoi la condamnation n’a pas été plus lourde. D’aucun auraient même pu y voir une tentative d’homicide. Le fait que ces individus n’aient pas été plus lourdement condamné est assez troublant. De son côté Me Séval se déclare tout de même satisfaite que le caractère transphobe de l’agression ait été reconnue.

Coup de gueuleInternational

Dans l’État du Queensland 84 policiers condamnés pour violences conjugales en seulement cinq ans exercent toujours leur métier

Les services de police reconnaissent que cette violence est inacceptable. Ils refusent cependant d’expliquer pourquoi aucun de ces agents n’a été renvoyé. De plus en plus de voix s’élèvent pour pointer les problèmes de prise en compte de la parole des victimes par la police. La seule défense des services de police a été la suivante ; les violences conjugales seraient proportionnellement moins importantes chez leurs agents. Ceci n’explique pas pourquoi ces agents sont toujours autorisés à exercer leur métier.

Un problème structurel

La présence d’agents condamnés pour violence conjugales au sein des services pose de graves problèmes. Au delà de la question centrale de leur présence, il semble qu’aucune mesure n’ait été prise pour qu’ils ne s’occupent pas eux-mêmes de victimes de violences conjugales. Le système de discipline interne de la police est ici en question ; comme dans de nombreux autres pays, la police enquête sur la police. Sans surprise il est notoirement difficile de faire renvoyer un agent dans ce système. Il existe pourtant d’autres agences de forces de l’ordre dans lesquels ce genre de condamnations vaut une exclusion à vie de leur service.

Plusieurs cas récent de mauvaises gestions policières, voir de fautes graves, dans des affaires de violences conjugales ou d’agressions sexuelles ont remis cette question sur le devant de la scène. Dans un des cas les plus choquant l’ancien conjoint d’une femme l’a aspergée d’essence et menacée de l’immoler ; la police a refusé de poursuivre l’ancien conjoint. Certains spécialistes expliquent que la police considère généralement que dans ces cas de violences conjugales les deux parties sont responsables. Ils n’ont donc pas comme priorité de protéger la victime parce qu’ils ne l’identifient pas comme telle.

Le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez veut sanctionner pénalement l’apologie du franquisme
InternationalSociété

Le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez veut sanctionner pénalement l’apologie du franquisme, au motif qu’ «  en démocratie, on ne rend pas hommage aux dictateurs et aux tyrans  ». Un projet sensé, mais pourtant loin de faire l’unanimité, à droite comme à gauche.

Important débat

Bien qu’ils soient nombreux, à gauche, à estimer qu’ «  il était temps  »  de sanctionner l’apologie du franquisme, ils sont tout autant, à droite, à qualifier cette pénalisation d’atteinte aux libertés d’expression et d’opinion. Et même dans les rangs de la majorité, la mesure ne fait pas l’unanimité, certains la jugeant peu opportune au regard du travail de mémoire encore nécessaire sur le sujet.

Le 16 février dernier, le quotidien de centre gauche El País  rappelait par exemple qu’il existait déjà un délit « d’incitation à la haine », et estimait que créer « une norme spécifique pour des délits et expressions minoritaires qui ne sont pas suivies d’actes objectivement préjudiciables » s’apparentait à une « agitation propagandiste ».

Le chroniqueur Iñaki Gabilondo, figure emblématique de la gauche médiatique, s’est également prononcé « contre la pénalisation de l’exaltation du franquisme », qui pourtant lui « retourne les tripes », car en « limitant la liberté d’expression », le gouvernement démontre « la faiblesse des convictions démocratiques ». « Nous n’avons pas besoin de murailles, mais de citoyens », a martelé le chroniqueur.

« La tombe du dictateur est toujours payée par l’État »

« Ce qui manque, c’est une éducation et une culture démocratique », explique le président de l’Association pour la récupération de la mémoire historique, Emilio Silva. Car en Espagne, il est relativement fréquent d’entendre les personnes ayant vécu à cette époque vanter « l’ordre », la « sécurité » ou la « morale », et dire que « sous Franco, on vivait mieux ».

Monsieur Silva remet également en cause la pertinence de la mesure, « alors même que le franquisme n’a pas été jugé ni condamné ». « On va se retrouver avec des blogueurs en prison pour avoir dit “Viva Franco”, alors que la tombe du dictateur est toujours payée par l’État et que toutes les tentatives pour ouvrir des enquêtes pénales sur les responsables franquistes ont été empêchées », s’inquiète-t-il.

Coup de gueule

Une pièce sans caméras est utilisée pour tabasser et terroriser les détenus au Centre de Rétention Administrative de Vincennes

Plusieurs anciens détenus ont témoigné de l’existence de cette pièce et de ce qu’ils ont subis. Ces derniers appellent la pièce « la salle des coffres ». Certains détenus tabassés par les policiers ont des problèmes psychologique que la torture semble avoir aggravé. Les personnes ayant accepté de témoigner rapportent que les victimes de la salle des coffres ont peur de raconter les faits. Selon l’un d’entre eux ; « Ils ciblent les plus faibles : ceux qui sont fragiles psychologiquement, qui ne parlent pas français ou n’ont pas d’avocats ».

Une salle de torture au CRA

Les militants associatifs connaissent l’existence de cette salle et de ces pratiques depuis au moins un ans selon Christine Benoit. Cette dernière milite à l’Observatoire citoyen du CRA de Vincennes. Les histoires se recoupent toutes et se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Plusieurs collectifs rapportent avoir eu connaissance de cette salle. C’est le cas de militants du collectif « A bas les Cras » et de l’Assfam.

Le CRA de Vincennes possède 4504 caméras depuis 2018. Très peu de pièces du centre n’en sont pas dotés. L’une de ces salles est la salle des coffres. Cette pièce en deux partie sert notamment à prendre les empreintes et les photos et à déposer les effets des arrivants. Il semble qu’un climat de terreur se soit instauré dans le centre, en plus des horreurs quotidiennes de la détention. Les détenus rapportent leur peur d’entendre leur nom appelé au micro. Ils ne savent pas en effet si ils se rendent à une visite de l’avocat, à une entrevue, où si ils vont subir un passage à tabac.

Les policiers s’entrainent sur les détenus

Certains pointent spécialement du doigt la responsabilité des jeunes policiers et des stagiaires. En effet le centre de rétention se situe au même endroit que le centre régional de formation de la police. Ces jeunes policiers et stagiaires sont selon les détenus les plus violents et agressifs. Certains pensent que les jeunes se servent des détenus les plus fragiles pour se faire la main et s’entraîner.

Ces tortures viennent s’ajouter aux conditions atroces de la détention au CRA. Les détenus rapportent l’absence de soins, les rondes toute la nuit, la nourriture immangeable etc. Les détenus ont récemment entamé une grève de la faim pour protester contre ces conditions. Sans surprise s’en sont suivis de nombreuses visites à la salle des coffres, des réveils à lance à incendie, des coupures d’eau etc. Rappelons qu’actuellement les détenus peuvent être retenus jusqu’à 90 jours sur simple décision administrative. Ces histoires de tortures bien qu’atroces ne sont pas une surprise pour ceux qui connaissent la situation dans les CRA de France.