Burkina Faso, rapt, femmes
International

Deux groupes de femmes ont été enlevés jeudi et vendredi par des djihadistes présumés dans les environs de la ville d’Arbinda, dans le nord du Burkina Faso. Certaines d’entre elles ont pu s’échapper et regagner leur village à pied pour témoigner. 

Quelques rescapées

« Les femmes se sont regroupées pour aller cueillir des feuilles et des fruits sauvages en brousse parce qu’il n’y a plus rien à manger », explique un habitant du village. « Le jeudi soir, ne les voyant pas revenir, nous avons pensé que leurs charrettes avaient eu un problème. Mais trois rescapées sont revenues nous dire ce qui s’est passé ».

Elles n’ont, hélas, pas pu prévenir l’autre groupe de cueilleuses, qui ont été à leur tour victimes d’un rapt. « Dans les deux groupes, des femmes ont réussi à échapper à la vigilance des terroristes et ont regagné le village à pieds », poursuit le villageois. « Nous pensons que les ravisseurs les ont emmenées dans leurs différentes bases », qui sont malheureusement presque impossibles à repérer.

Blocus djihadistes

Outre les rapts de femmes, les djihadistes imposent de lourds blocus aux habitants du nord du Burkina, dont la situation ne cesse d’empirer depuis 2015. « La population, qui a épuisé ses stocks de réserve, se trouve au bord de la catastrophe humanitaire », alerte Idrissa Badini, porte-parole d’un groupement d’organisations de la société civile de la région.

Le capitaine Ibrahim Traoré, qui s’est emparé du pouvoir par un coup d’État militaire le 30 septembre, s’est d’ailleurs donné pour principal objectif « la reconquête du territoire occupé par ces hordes de terroristes ».

Politique

Alors qu’une sortie de crise se profile au Burkina Faso, suite à la signature ce dimanche d’une charte de la transition et la nomination de Michel Kafango comme chef du gouvernement intérimaire, la révolution de Ouagadougou a fait craindre durant de nombreuses semaines un embrasement dans la région du Sahel et la propagation du mouvement de contestation. Des inquiétudes sans fondement pour Jean-Yves Ollivier, spécialiste des relations diplomatiques, qui met en avant les différences fondamentales existantes d’un pays à l’autre du Sahel et de l’Afrique.

Selon une idée largement relayée par les médias africains, la chute de Blaise Compaoré ne pouvait pas mieux tomber pour les populations du Congo-Brazzaville, de la RD Congo, du Cameroun, du Togo, du Bénin, du Rwanda, ou du Tchad en soif d’alternance politique. Un phénomène s’inscrivant dans une tendance globale de sympathie révolutionnaire pacifique et populaire qui a démarré avec « la révolution des roses » en Géorgie en 2003, puis la “révolution orange” en Ukraine fin 2004 pour finalement s’insérer sur le continent africain via le Maghreb et le vent de la révolution arabe de 2011.

Or, s’il est vrai que des mouvements révolutionnaires peuvent parfois se répandre comme une traînée de poudre, ces théories se basent pour la plupart sur une simplification bien souvent préjudiciable de la situation géopolitique sur le continent africain et des pays du Sahel. En effet, considérer que le contexte politique et social puisse être similaire dans ces pays et qu’une simple étincelle au Burkina Faso enflammerait toute la région serait faire ici de bien trop nombreux raccourcis.

Comme le souligne en ce sens Jean-Yves Ollivier, l’Afrique n’est pas qu' »un grand pays ». « Les données et les situations varient d’un bout à l’autre de cet immense continent […] et on ne peut pas confondre la gouvernance de Blaise Compaoré avec celles de Joseph Kabila en RDC, ou de Paul Biya ou de Paul Kagamé au Cameroun et au Rwanda. Ces présidents n’ont guère en commun que leur longévité au pouvoir ».

Cela étant, la révolution de Ouagadougou devrait toutefois servir de leçon pour tous ces présidents au pouvoir depuis des décennies et qui souhaiteraient renouveler leur mandant malgré des limites institutionnelles. Ces derniers devront désormais séduire les jeunes générations au risque de subir des mouvements de contestations similaires. Le Burkina Faso comme le Sahel dans son ensemble compte aujourd’hui plus 70 % de moins de 30 ans, autant de jeunes qui n’ont connu que le président en place.

« Certains y parviendront, d’autres pas. Mais il faudrait être frappé d’amnésie pour prétendre, dès aujourd’hui, que leur tâche sera compliquée par l’effet Ouaga », en conclut Jean-Yves Ollivier. Un effet qui semble avoir été largement surestimé.

Crédits photo : Maxppp

Coup de gueulePolitique

Des centaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, ce mardi 28 octobre pour dénoncer le pouvoir sans partage du président Blaise Compaoré. Ce dernier a en effet affiché sa volonté de s’accorder une énième prolongation de pouvoir.

Au pouvoir depuis son putsch de 1987 contre Thomas Sankara, Blaise Compaoré a annoncé son intention de briguer un cinquième mandat en novembre 2015. Problème, l’article 37 de la Constitution l’en empêche et le président souhaiterait de ce fait modifier la loi fondamentale. Mais après avoir laissé croire pendant des mois qu’il procéderait à une consultation populaire, le pouvoir a manœuvré ces dernières semaines pour obtenir le ralliement du nombre de députés nécessaires à une révision par l’Assemblée nationale.

Une manœuvre politique qui n’est pas du goût de l’opposition comme d’une grande majorité de la population semble-t-il et qui a plongé le pays dans une période de troubles. »Blaise dégage » pouvait-on entendre scandé dans les principales villes du Burkina Faso où l’opposition s’était rassemblée lors d’une « journée nationale de protestation ».

« Le combat pour le changement n’est plus celui de l’opposition politique. Il est devenu celui de la grande majorité du peuple burkinabé, qui a décidé deprendre son destin en main », s’enthousiasme l’ancien ministre des affaires étrangères, Ablassé Ouédraogo, qui préside le parti Le Faso Autrement et coordonne les manifestations contre « le coup d’Etat constitutionnel ».

Crédits photo : Damien Halleux

Politique

Le gouvernement burkinabé a préféré suspendre le Tour du Faso, le rendez-vous des cyclistes qui devrait se tenir le 23 octobre au 02 novembre. Quinze équipes issues de douze pays, dont quatre Européens et huit Africains, devraient y participer.

Le porte-parole du gouvernement a annoncé à l’AFP jeudi « Nous sommes dans un contexte où Ebola sévit dans plusieurs pays de la sous-région et nous pensions que ce n’est pas prudent d’organiser de grands rassemblements. Le sens des responsabilités nous oblige à prendre plus de précautions. C’est pourquoi nous avons décidé de différer un certain nombre d’activités, dont le Tour du Faso ».

À noter que cette épreuve est l’une des principales compétitions sportives à se tenir sur le continent. Elle constitue aussi une vitrine touristique pour le Burkina Faso. Mais, ils ont dû l’annulée par précaution à cause de l’épidémie d’Ebola qui a fait 3 338 morts en Afrique de l’Ouest. Jusqu’ici, aucun cas n’a été détecté dans ce pays.