Burkini, Muzz
Société

Mardi 19 juillet, l’application de rencontres pour musulmans Muzz a proposé de payer les amendes des femmes vêtues qui souhaiteraient porter le burkini. Une incitation à la désobéissance jugée illégale par plusieurs experts. 

#freetheburkini

« Sœurs musulmanes, il fait chaud dehors, allez nager tranquillement. Ne vous inquiétez pas, Muzz vous remboursera si vous êtes verbalisées pour port de burkini », a fait savoir l’application britannique sur plusieurs réseaux sociaux, accompagné du hashtag #freetheburkini. 

« On a commencé au début de l’année 2022 à faire passer un sondage à nos utilisateurs sur le ressenti d’un musulman en France. Mais la polémique sur le port du burkini dans les piscines de Grenoble a beaucoup choqué nos membres et surtout les équipes de notre entreprise à l’international », explique Julie, responsable du marketing chez Muzz. Il fallait « faire quelque chose », insiste-t-elle.

Budget de 25 000 euros

Mais Muzz assure avoir pris sa décision dans un souci de justice. « Nous pensons aux personnes mal à l’aise en maillot de bain ou pudiques qui se voient refuser l’accès à la baignade », défend Julie.

« Chez Muzz, nous soutenons l’accès aux lieux de baignade pour toutes. Ne pouvant agir sur les textes de loi, nous avons décidé de nous adapter en s’engageant à prendre en charge toutes les amendes pour port de burkini à hauteur de 25 000 euros cumulés », ajoute l’application.

« Prohibé par la loi »

« Le fait d’annoncer publiquement la prise en charge financière des amendes d’autres personnes est prohibé par la loi depuis 2017 », rappelle Kim Zolty, avocate au barreau de Paris.

« La simple prise en charge financière des amendes des autres n’est pas réprimée à proprement parler : c’est bien le fait de l’annoncer publiquement et d’en faire la publicité. Tel semble être le cas pour l’application  Muzz », estime l’avocate.

Burkini
Société

De nombreuses femmes portant un burkini ont été rappelées à l’ordre le week-end dernier dans plusieurs bases de loisirs de la région parisienne. Des menaces ont été proférées, et des débordements sont maintenant à craindre. 

« On verra s’il fera la loi cet été »

Dimanche 19 juin, un maitre-nageur de la base de loisirs de Moisson, près de Mantes-la-Jolie, a demandé à une jeune femme d’enlever son burkini pour aller dans l’eau. « Ça s’est passé de manière courtoise  ; elle a obtempéré rapidement, explique le directeur du centre, Ivica Jovic.  Personne n’a protesté autour. C’est pour cela qu’on n’a pas compris quand on a vu cette déferlante d’avis négatifs sur le site… »

En effet, les reproches, et même quelques menaces, n’ont pas tardé à fuser sur internet. « Maître-nageur islamophobe qui interdit la baignade à une femme portant le burkini, honteux », pouvait-on lire sur les réseaux sociaux. Ou encore  : « Baignades interdites pour les femmes “trop couvertes”! Est-ce normal  » ? « On verra s’il fera la loi cet été, quand tout le quartier va se pointer…  », a même menacé un internaute. 

La droite au créneau 

« Les provocations ont repris sur nos îles de loisirs, fulmine Patrick Karam, vice-président du conseil régional d’Île-de-France. Sur la base de loisirs de Torcy, rien qu’hier, une dizaine de femmes en burkini ont été sorties de l’eau. La semaine écoulée, on a dû gérer une soixantaine de cas sur la base de Cergy-Pontoise ».

Et les choses ne vont pas aller en s’arrangeant. « Certains usagers prendront parti pour les femmes en burkinis, traiteront les autres d’islamophobes, et cela entraînera des bagarres », prévient l’élu LR. « Il est intolérable de laisser nos valeurs être piétinées par quelques factieux, insiste-t-il. Si on n’est pas ferme, on met le doigt dans un engrenage qui va nous broyer la main. En refusant de légiférer, l’État donne un mauvais signal et se fait complice de ces islamistes qui essaient de nous tester. Nous attendons du gouvernement qu’il clarifie la loi ».

burkini, grenoble
Société

Le maire écolo de Grenoble, Eric Piolle, envisage de faire modifier le règlement des piscines municipales pour que les femmes musulmanes le désirant puissent y porter le burkini. Inutile de préciser que l’initiative a immédiatement suscité l’indignation générale. 

« Pour les femmes »

Au nom de la « défense des valeurs françaises », je veillerai « personnellement à ce qu’aucun règlement intérieur d’aucun équipement public ne constitue une injonction ou une discrimination, nous y serons particulièrement attentifs pour les femmes et les minorisé-es de genre que l’on contraint spécifiquement », avance l’édile écologiste, faisant ici allusion à la polémique entourant le burkini.

Et la réforme est déjà bien engagée, puisqu’Eric Piolle a d’ores et déjà modifié l’ordre du jour du conseil municipal du 16 mai prochain, « pour y inscrire la modification du règlement intérieur des piscines de la ville », affirme Alain Carignon, élu d’opposition divers droite. 

« Exister au niveau national »

Par cette mesure, Eric Piolle cherche avant tout à se placer en interlocuteur d’Emmanuel Macron, qu’il accuse de « jouer avec la République » et de mener « une campagne au bord du gouffre de l’extrême droite » … rien de moins.

J’ai « honte, en tant que Grenobloise, de voir le maire de ma ville tenir des propos pareils. Il prétend donner des leçons d’histoire et de morale à un président de la République, lui qui a fini quatrième à la primaire écolo ? C’est tout simplement une façon d’exister au niveau national, dénonce la députée de l’Isère Émilie Chalas. Nos concitoyens musulmans me parlent de leurs problèmes d’insécurité, d’incivilités, des questions sociales. Les imams de ma circonscription me l’ont dit : « Le burkini, ce n’est pas notre sujet » », affirme l’élue.