InternationalPolitique

Des leaders d’organisations indépendantistes catalanes ont été condamnés à des peines allant de 9 à 13 ans de prison par la Cour Suprême

Sédition, malversation de fonds public et désobéissance ; voilà l’avis de la Cour Suprême. La condamnation tombe deux ans près le référendum du 1 octobre 2017 sensé statuer sur l’indépendance de la Catalogne. Madrid avait refusé que le référendum se tienne et donc son résultat positif pour les indépendantistes.

Les magistrats de la cour suprême ont rejeté l’accusation de « rébellion » qui faisait encourir 25 ans de prison aux militants, contre l’avis du parquet général de l’État. L’accusation de sédition fait encourir des peines bien moins lourdes et traitent de cas moins graves.

Le vice-président du gouvernement catalan, Oriol Junbqueras est condamné à 13 ans de prison et d’inéligibilité. Il est membre de l’organisation de la Gauche républicaine catalane. Ce dernier s’est exprimé dans une lettre depuis sa prison ; « Il n’y a d’autre option que de construire un nouvel État pour fuir celui-ci qui pourchasse des démocrates ».

Cinq autre ministres et conseillers catalans ont écopés de peines allant de 10 à 12 ans de prison et d’inéligibilité. Carme Forcadell, président du Parlement catalan est condamnée à 11 ans et demi. Les présidents des associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural, Jordi Cuixart et Jordi Sanchez écopent de neuf ans de prison. Certains d’entre eux ont déjà passé deux ans en préventive et devraient pouvoir bénéficier d’un aménagement de peine.

L’Espagne met le feu aux poudres

La situation ne va cependant pas en rester là. Dès l’annonce de cette décision des milliers de personnes sont descendues dans la rue. Une appel baptisé « Tsunami démocratique » visait à bloquer l’aéoport. Des affrontements ont eu lieu avec la police anti-émeutes à cette occasion ; 53 blessées et 108 vols annulés.

Depuis les manifestations ont tourné à l’émeute à plusieurs reprises, notamment à Barcelone. Les indépendantistes sont encore très présent et contrôlent par exemple le gouvernement régional ; Madrid va donc avoir du mal à calmer la population. Par ailleurs des militants ont coupés routes et voies de chemin de fer et les manifestations continuent.

Catalogne, indépendance, Barcelone, Madrid
Politique

Alors que la grogne continue de monter en Espagne entre les indépendantistes catalans et le pouvoir en place, quelles seraient les conséquences d’une auto-proclamation de l’indépendance ? 

Si ce mardi ou dans quelques jours selon les l’hypothèse la plus probable le chef du gouvernement catalan Carles Puigdemont proclamait unilatéralement l’indépendance de la Catalogne, ce serait un véritable petit séisme qui se produirait en Espagne. La constitution espagnole autorise en effet le chef du gouvernement national Mariano Rajoy a reprendre en main la police catalane jusque là autonome. Idem pour le gouvernement catalan lui-même, qui pourrait être dissout de manière tout à fait légale, afin de faire taire la rébellion.

Aussi, les dirigeants catalans pourraient bien se retrouver en prison, à commencer par le chef de file Carles Puigdemont. Là encore, la loi espagnole donne les pouvoirs à Madrid afin de remettre du calme dans le royaume.

Des manifestations intenses et Rajoy out

Mais les conséquences pourraient être autres. Mariano Rajoy pourrait bien payer de sa place cette situation jusque là très mal gérée. Les manifestants indépendantistes ont été violemment interpelés par les forces de l’ordre nationale. L’opinion publique nationale et même européenne ferait alors payer au chef du gouvernement national sa gestion exécrable du conflit.

D’ailleurs, il serait très possible de voir de nouvelles manifestations, encore plus intenses que les précédentes, avoir lieu un peu partout dans le pays. A Barcelone, pro et anti indépendance s’affronteraient et on image bien qu’à Madrid la rue demanderait l’unité.

Enfin, la Catalogne pourrait décider d’organiser des élections législatives anticipées en ayant au préalable dissout son Parlement régional. Et dans le cas de figure où les indépendantistes seraient majoritaires, leurs voix pèseraient alors fortement au niveau national.

Coup de gueule

Le chef de l’exécutif régional Artur Mas a annoncé cette semaine devoir annuler le référendum sur l’indépendance de la Catalogne qui devait avoir lieu le 9 novembre prochain. Si une consultation symbolique reste maintenue, celle-ci n’aura aucune incidence en cas de victoire du oui. Le gouvernement régionale a en effet dû se plier à la volonté du gouvernement espagnol et de la justice.

Le référendum d’autodétermination régionale n’aura finalement pas lieu. Les indépendantistes catalans ont cédé face aux refus associés de Madrid et de la justice. Le décret qu’il avait signé autorisant le référendum du 9 novembre avait été «suspendu» par le Tribunal constitutionnel fin septembre et dans la pratique, les autorités espagnoles n’auraient pas permis la tenue de cette consultation, jugée par Madrid «illégale» et «insensée».

Une déception alors que le mouvement pour l’indépendance de la région semblait largement suivi par une grande partie de la population. Plaidant le « droit à décider », plus d’un million et demi de manifestants s’étaient retrouvés dans les rues de Barcelone le 11 septembre dernier pour réclamer le droit de s’exprimer par les urnes.

Artur Mas a toutefois souhaité maintenir une consultation publique organisée officiellement dans les 950 municipalités de la Catalogne par des associations citoyennes, et non par des autorités catalanes qui s’exposeraient alors à des sanctions judiciaires. Une consultation qui « n’aura pas l’once d’une légitimité » pour le chef du gouvernement Mariano Rajoy, mais qui pourtant pourrait être des plus irritantes en cas d’une tendance prononcée pour l’indépendance.

Coup de gueule

Les indépendantistes catalans organisent ce jeudi, « journée nationale » de la région, une démonstration de force pour réclamer le droit de se prononcer sur une séparation avec l’Espagne. Un projet de consultation sur l’avenir de la Catalogne qui devrait être étudié le 9 novembre prochain mais qui se heurte toujours au veto du gouvernement central. Le gouvernement espagnol estime en effet que la Constitution ne permet pas aux Catalans de se prononcer seuls sur leur avenir.

Un demi-million de personnes sont attendues aujourd’hui en Catalogne pour manifester en faveur de l’indépendance de cette région autonome espagnole. Fiers de leur langue et de leur culture, nombre des 7,5 millions d’habitants de Catalogne se sentent en effet maltraités par le gouvernement central. Dotée de sa propre police, la région, qui produit un cinquième de la richesse nationale, a plus d’autonomie que l’Ecosse actuelle. Mais, frappée par la crise économique de 2008, elle n’a pas digéré le fait que le pouvoir central lui refuse en 2012 la maîtrise de l’impôt. Une manifestation monstre à Barcelone avait donné la mesure de la montée des aspirations à l’indépendance.

Le président de la région autonome catalane est engagé dans un bras de fer juridique avec Madrid à ce sujet. Artur Mas veut organiser une consultation populaire, à l’image de celle qui aura lieu en Écosse la semaine prochaine. Mais le gouvernement espagnol juge la démarche illégale et a saisit la Cour constitutionnelle. Selon un sondage publié par le quotidien espagnol El Pais, la majorité des Catalans choisiront se plier à la décision de la Cour constitutionnelle.

Crédits photo : Ivan McClellan