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Les commerces de proximité ferment les uns après les autres, la faute au COVID-19 ? Oui, mais pas que…

Abandon gouvernemental

La nouvelle est tombée comme un coup de massue pour les commerçants français. Face à la deuxième vague de l’épidémie de coronavirus, les commerces dits « non essentiels »  ont de nouveau été fermés pendant de longues semaines. Une décision d’autant plus incompréhensible que les centres commerciaux et les géants de la vente en ligne, dont l’exilé fiscal Amazon, y échappaient. Certes, la fronde des petits commerçants a fini par faire plier le Gouvernement, qui, dans un sursaut de génie, a interdit la vente de produits non essentiels dans les grandes surfaces, mais le mal était fait.

Pour la députée FI Clémentine Autain, « en favorisant les hypermarchés contre les magasins de centre-ville, le gouvernement protège un modèle de consommation déshumanisant et destructeur ». Selon l’auteure de l’essai A gauche en sortant de l’hypermarché, « favoriser l’hypermarché sur les petits commerces et les artisans, c’est aussi une façon de promouvoir la désertification des centres urbains et le tout-voiture auquel l’hypermarché est fondamentalement corrélé ».

Cela fait en effet au moins deux décennies que les centres-ville se battent pour la survie de l’activité. Avec un succès limité, notamment dans les communes de taille moyenne : selon la Fédération du commerce spécialisé (Procos), la vacance (soit la proportion de commerces à céder ou à louer) s’établissait ainsi à 12 % en 2018, contre « seulement » 7 % en 2012. Et alors que le taux de vacance atteint 15 % dans une ville moyenne sur trois, le flux de clients accueillis dans les boutiques est en baisse constante de plus de 5 % par an depuis cinq ans.

La faute à qui ?

Outre la hausse des loyers commerciaux ou les difficultés d’accès et de parking, la ruée vers l’hypermarché, phénomène aggravé en temps de Covid-19, contribue très largement à la désertification des centres urbains. La Bretagne symbolise malgré elle ce mal français : les centres-ville de Saint-Brieuc et de Saint Nazaire ont ainsi perdu plus de 15 % de leurs commerces en quinze ans. Quant à Brest, Châteaubriant, Fougères et Lorient, entre 7,5 et 10 % des boutiques sont aujourd’hui inoccupées. Pour Auray, La Baule et Vannes, ce taux atteint entre 5 et 7,5 %, et le centre-ville de Morlaix, dont 26 % des commerces sont inoccupés, est quant à lui en voie de désertification.

La course à la digitalisation, elle aussi favorisée par le Covid-19, a également sa part de responsabilité dans la désertification des centres-ville français : toujours en Bretagne, la filiale régionale du Crédit Mutuel Arkéa, que son ancien dirigeant, Ronan Le Moal, surnommait — sans gêne aucune — « l’Amazon de la banque » en raison de son goût prononcé pour les services dématérialisés, ferme ainsi, depuis plusieurs années maintenant, ses agences locales les unes après les autres.

La dernière en date, Plougonvelin, dont la directrice, Angélique Le Bras, justifie la fermeture par « l’optimisation des points de vente [de la banque] sur le territoire », vient ainsi s’ajouter à celles de Trégastel (Côtes-d’Armor), Sérent (Morbihan), Landéda (Finistère), Locmaria-Plouzané (Finistère)… Ou comment une banque bretonne, qui s’affichait pourtant comme un ardent défenseur de la région, participe — activement — à la désertification des centres-ville d’une région qui souffre.

Plus récemment, Etel a perdu le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel et la Caisse d’Epargne au profit de la commune de Belz. La fermeture progressive de ces agences avait commencé en 2010 avec celle du Crédit Maritime, la « banque des armateurs« . Et la vague de départs ne s’arrête pas là. Le 18 janvier prochain, ce sera au tour du Crédit Lyonnais de quitter Etel pour rejoindre Carnac. En plus de la fermeture de l’agence bancaire, la ville perdra un des deux distributeurs automatiques de billets.

D’après les chiffres de l’Insee, la Bretagne figure, avec les Pays de la Loire et la Nouvelle-Aquitaine, dans le top 3 des régions françaises où le contraste entre le dynamisme commercial des villes et la déprise des centres-ville est le plus important. La Bourgogne–Franche-Comté est elle aussi particulièrement concernée par ce phénomène.

Si le COVID-19 met plus que jamais en péril la survie des petits commerces français, ces derniers souffrent depuis plusieurs années maintenant, en raison notamment de la digitalisation à outrance de notre société et la ruée vers les hypermarchés. Le tout associé à l’incapacité du gouvernement français à réguler des acteurs comme Amazon, qui favorisent ni plus ni moins la mort des centres-ville français et de ceux qui l’animent.