Une priorité : la résolution de la crise faisant rage en République démocratique du Congo (RDC) était inscrite en haut de l’agenda diplomatique français, défendu lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU, qui s’est tenue à New York mi-septembre. En dépit de la présence de 17 000 Casques bleus rattachés à la Monusco, le plus fort contingent déployé à travers le monde, le pays africain s’enfonce jour après jour dans le chaos : les violences redoublent d’intensité et de nouveaux charniers sont régulièrement découverts, contraignant les populations à l’exil (on parle de deux millions de personnes déplacées).
En cause, le maintien au pouvoir du clan Kabila, qui depuis une vingtaine d’années détient les rouages de la RDC. Succédant à son père, Joseph Kabila refuse en effet de quitter la présidence d’un pays qu’il a mis en coupe réglée, foulant au passage la constitution qu’il a pourtant lui-même promulguée, elle qui inscrivait dans le marbre l’impossibilité de se présenter plus de deux fois à l’élection suprême.
Un accord, arraché la nuit de la Saint-Sylvestre 2016 au terme d’une sanglante répression, octroyait pourtant au jeune président congolais une année supplémentaire afin de préparer la transition. Las, le clan Kabila multiplie depuis les manœuvres dilatoires, repoussant chaque jour davantage la perspective d’un scrutin serein. Tous les coups sont permis afin de se maintenir à la tête d’un Etat dont les coffres se confondent avec les poches de la famille Kabila : prétexter un manque de budget, s’appuyer sur la dégradation sécuritaire dont elle est elle-même à l’origine ou, encore, lancer à coup de millions de dollars une campagne de lobbying internationale.
Une entreprise de déstabilisation de l’opposition
L’objectif de cette campagne est double : restaurer l’image du régime en place auprès des grandes capitales mondiales, et dénigrer les forces de l’opposition congolaise. Une société d’influence israélienne aurait ainsi été chargée par Kinshasa, moyennant plus de 5,5 millions de dollars, de retourner l’administration Trump ainsi que des membres du Congrès américain en faveur de Joseph Kabila. Pour l’heure, ces efforts restent vains et Washington semble toujours bouder le potentat congolais.
La meilleure défense, c’est encore l’attaque, doit-on se dire à Kinshasa. Alors, plutôt que de laisser parler les urnes ou même d’autoriser la tenue de sondages d’opinion, le clan Kabila se réfugie dans le dénigrement à grande échelle… et y met les moyens. Le régime en place s’est en effet offert le luxe d’une tribune dans les colonnes du prestigieux Washington Times afin d’y décrédibiliser son principal concurrent, Moïse Katumbi. Candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle, l’homme est pour l’heure contraint à l’exil, sa sécurité n’étant pas assurée au sein de son propre pays.
Selon l’article en question, au-dessus duquel le quotidien américain a tout de même jugé opportun de faire figurer la mention « contenu sponsorisé », Katumbi serait à la manœuvre pour déstabiliser la RDC, aidé en cela par un certain… Georges Soros. Le célèbre milliardaire et philanthrope américain n’en demandait certainement pas tant…
Non content de privatiser, via un tentaculaire réseau estimé à plus de 70 entreprises de par la RDC, la plupart des ressources et recettes du pays, le clan Kabila, acculé, dilapide donc les dernières recettes de l’Etat congolais dans une entreprise de déstabilisation de l’opposition aussi dispendieuse que désespérée. Sans résultats, qui plus est : malgré les attaques, malgré les calomnies, jamais l’opposition à Kabila n’a semblé si déterminée.
L’opposition plus remontée que jamais
« Joseph Kabila est le seul obstacle à l’organisation des élections dans notre pays », a ainsi déclaré Felix Tshisekedi, le leader de la coalition du Rassemblement, appelant l’ensemble des forces d’opposition congolaises à s’unir pour obtenir le départ du président. En attendant, le régime en place a accueilli les supporters de Tshisekedi, de retour d’Europe, à coup de gaz lacrymogènes.
Moïse Katumbi, quant à lui, a déploré auprès d’un journaliste du New York Times la mort de près de trois millions de personnes dans l’Est du Congo depuis que Joseph Kabila est aux affaires. La RDC est « comme un avion sans pilote, prévient l’opposant numéro 1 et favori d’un potentiel scrutin. (Kabila) va finir par tuer tout le monde » pour se maintenir au pouvoir.
Depuis son accession à la présidence en 2001, jamais Joseph Kabila n’aura jamais régné pacifiquement sur le pays dont il a la charge. Un pays dont il a hérité de son père, Laurent-Désiré Kabila, après que celui-ci a été tué par son propre garde du corps. Sans élections en bonne et due forme, la spirale de violence ne semble pas près de s’arrêter en RDC.
Des institutions fragiles
Des élections que les institutions congolaises, largement inféodées au pouvoir, ne permettent pas d’assurer. Si les parlementaires congolais ont vu leur indépendance renforcée dès 2006, enchainant la création de comités indépendants (28) visant à enquêter sur les fraudes de l’exécutif, on assiste depuis 2009 à un démantèlement de ces contre-pouvoirs, réduits à leur portion congrue. Une tendance encore renforcée depuis 2011, année à partir de laquelle les alliés de Kabila se sont escrimés à repousser les limites constitutionnelles en faveur du président : un assouplissement des verrous posés par la Constitution qui autorise le Chef de l’Etat à conserver le pouvoir tant qu’un autre président n’a pas été élu. Ce qui, dans l’hypothèse où les élections sont repoussées aux calendes grecques, permet de facto à Kabila de conserver le trône indéfiniment.
Bertrand Percheron