calais, migrants
Société

Il y a un peu plus de 5 ans, le 24 octobre 2016, s’achevait l’évacuation totale de la jungle de Calais et de ses 7000 occupants. Aujourd’hui il n’y a plus de bidonville, mais la situation ne s’est pas arrangée, surtout pour les exilés. La traque est permanente, et les autorités font tout pour éviter les « points de fixation ».

« Les exilés sont délogés tous les jours, ils ne peuvent avoir aucun repos et tout est fait pour rendre compliqué leur accès à l’eau et à la nourriture », explique Pauline Joyau, coordinatrice de l’association Utopia 56.

«  On veut nous transformer en auxiliaires de police ! »

Depuis septembre 2020, la préfecture interdit aux associations de distribuer eau et nourriture dans le centre-ville de Calais. Et les autorités ne cessent de proroger ce décret, dont le périmètre ne cesse de s’élargir. « Les bénévoles sont régulièrement verbalisés pour stationnement illégal, des rochers sont installés sur les terrains où nous pouvions servir les repas… », déplore Pauline Joyau.

Pire encore, la préfecture voudrait utiliser les associations à son profit. « La sous-préfète nous a confirmé que les expulsions et la confiscation du matériel de camping allaient se poursuivre. L’État propose juste que les exilés soient prévenus 24  heures à l’avance de leur expulsion… Une aberration, quand on sait qu’ils le sont tous les jours ! De plus, elle ose proposer que les associations aillent les prévenir… On refuse de nous laisser faire notre travail humanitaire, mais on veut nous transformer en auxiliaires de police ! », proteste Anaïs Vogel, une militante ayant entamé une grève de la faim.

Toujours plus de traversées

Sans oublier que ces conditions de vie dégradées sont sans effet, puisqu’elles ne découragent pas les migrants de se masser à Calais. En atteste le nombre de traversées tentées chaque année à l’aide de minuscules embarcations. 

«  Ce nouveau mode de traversée s’est développé depuis le Covid, puis le Brexit qui ont réduit considérablement le trafic routier et fait disparaître les bouchons qui permettaient aux personnes de se glisser dans les camions à l’arrêt.  Ils prennent désormais des petits bateaux et les départs s’étalent sur tout le littoral pour échapper à la traque des policiers… »,  explique Juliette Delaplace, du Secours catholique.

Afghanistan, renvoi, exilés
International

Malgré la détérioration de la situation en Afghanistan, et l’inexorable avancée des talibans, quelques pays européens refusent de suspendre le renvoi des exilés afghans en situation irrégulière.

«  Besoin urgent d’effectuer des retours  »

« Nous voudrions souligner le besoin urgent d’effectuer des retours, à la fois volontaires et involontaires, vers l’Afghanistan, on fait savoir les ministres des six pays expulseurs (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Grèce, Autriche et Belgique) dans un communiqué. Vu la probabilité que l’Afghanistan continue d’être une source importante de migration irrégulière vers l’UE, nous tenons à souligner l’importance de renvoyer les personnes sans véritable besoin de protection. De plus, l’arrêt des retours envoie un mauvais signal, susceptible de motiver encore plus de citoyens afghans à quitter leur foyer pour l’UE. »

Déléguer l’asile à la Turquie

Bien que l’Allemagne et les Pays-Bas se soient rétractés depuis la publication de ce communiqué, annonçant qu’ils suspendaient les expulsions vers l’Afghanistan, il n’en est rien de la Belgique. Le secrétaire d’État belge à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi, a d’ailleurs insisté sur le fait que «  ces personnes devraient être accueillies dans la région en premier lieu. Il est important que les migrants fuyant la guerre puissent bénéficier d’une protection à proximité. Si nous pouvons faire en sorte que la Turquie soit un pays tiers sûr pour les Afghans, alors c’est un bon moyen de gérer les flux migratoires. Ce que nous avons déjà fait avec l’accord sur la Turquie, c’est offrir une meilleure protection aux Syriens qui demandent l’asile en Turquie. Ils obtiennent alors un statut de réfugié robuste. Au niveau européen, nous devons maintenant voir dans quelle mesure nous pouvons étendre cet accord aux réfugiés afghans. »

Décourager les futurs migrants

Selon le commissaire général belge aux réfugiés et apatrides, Dirk Van den Bulck, « il y a encore des situations où une personne peut retourner. Rien ne permet de dire que chaque personne originaire de Kaboul est dans une situation de risque réel. »

Mais pour le directeur d’Amnesty International Belgique (section francophone) Philippe Hensmans, le gouvernement veut avant tout «  montrer que, même dans la situation la plus grave, la plus difficile qui existe, on renvoie quand même les gens vers leur pays, en espérant que ça serve d’exemple pour d’autres pays. En prenant un exemple aussi radical, on espère décourager toutes les arrivées. »