Coup de gueuleEconomie

Nouveau rebondissement dans le dossier Arkéa-Crédit Mutuel : la banque bretonne, désireuse de voler de ses propres ailes depuis 2015 et d’utiliser son seul nom, pourrait bientôt être contrainte d’y adjoindre la mention de sa banque de tutelle, quel que soit le support utilisé. Un nouveau coup dur pour son PDG Jean-Pierre Denis, qui avait fait de la promotion de la marque Arkéa la pierre angulaire de son projet d’indépendance, en multipliant les contrats de sponsoring – des investissements dispendieux et, pour la plupart, mal avisés. 

Contentieux sur la marque

Jeudi 14 janvier, la banque Crédit Mutuel Arkéa (CMA) a très solennellement demandé à sa maison-mère, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (CNCM), de retirer un projet de décision réglementaire portant sur l’usage de la marque « Crédit Mutuel ». Selon le CMA, le document – dont le contenu doit encore être approuvé le 2 février par la CNCM – lui interdirait d’utiliser la marque « Arkéa » sans y accoler la mention « Crédit Mutuel ». 

Une décision qui fait sens, pour la CNCM, qui a beau jeu de rappeler que « le Crédit Mutuel Arkéa fait partie depuis toujours du groupe Crédit Mutuel, dont l’unicité a été confirmée en justice ». Saisi d’une question similaire en 2019, le tribunal administratif de Rennes avait, en effet, estimé que « les caisses de Crédit Mutuel (le CMA regroupe les caisses de Bretagne et du Sud-Ouest) n’ont pas le droit de proposer des services bancaires et financiers sans utiliser les termes  »Crédit Mutuel » ». 

Sans surprise, on ne l’entend pas vraiment de cette oreille du côté du Relecq-Kerhuon, près de Brest, où siège le CMA. Sans craindre de jouer les cartes, rebattues, de la victimisation et de la défense de « l’identité bretonne » supposée de la banque : « il s’agit d’une décision à caractère général, mais nous y voyons un caractère particulier, car chacune de ces mesures touche à notre identité », s’est ainsi plaint Cédric Malengreau, directeur du secrétariat général d’Arkéa. Ce en quoi la direction de la banque n’a, pour une fois, pas foncièrement tort.

Si le projet de réglementation était adopté en l’état, non seulement le CMA ne pourrait plus proposer de services bancaires sous son seul nom, mais encore devrait-il arrêter d’utiliser les dénominations « Arkéa » ou « groupe Arkéa » dans l’ensemble de ses activités commerciales, publicitaires, institutionnelles et même en matière de sponsoring. Un nouveau coup dur, qui tape là où cela fait – très – mal.

Un projet d’indépendance mis au rebut

Car il ne s’agit pas, avec cette énième joute linguistique et réglementaire, d’une simple question de fierté, ni même d’identité. Depuis l’annonce de son projet de désaffiliation de la CNCM en 2015, souhait renouvelé à plusieurs reprises, Arkéa a fait de son nom et de sa marque à la fois l’enjeu et le symbole de sa volonté d’indépendance – comment, en effet, imaginer voler un jour de ses propres ailes si une entité, quelle qu’elle soit, n’est pas capable de conserver ou d’imposer son nom dans l’espace public ? 

Mais sur ce plan comme sur tous les autres, la banque présidée par Jean-Pierre Denis est allée de Charybde en Scylla :  fin de non-recevoir de la Banque de France et du Trésor ; mesures prudentielles supplémentaires imposées par la Banque centrale européenne (BCE) ; avis défavorable de l’Autorité de contrôle et de résolution ; annonce de la dégradation de sa note financière par l’agence Standard & Poors ; renvoi du projet de désaffiliation aux calendes grecques par la BCE dès les premiers jours de la crise sanitaire…

Dans le même temps et à cause des mêmes erreurs de jugement de sa direction, le CMA a dû essuyer un certain nombre d’affaires et de scandales achevant de décrédibiliser tant son équipe dirigeante que la stratégie de celle-ci : à commencer par la désormais fameuse « première manifestation de banquiers » organisée à Paris, tous frais payés par la hiérarchie ; en passant par les révélations de notre confrère, Laurent Mauduit, de Mediapart, sur le train de vie fabuleux de Jean-Pierre Denis et du top management de la banque, dont les rémunérations variables étaient aussi fantastiques qu’illégales au sein d’un groupe mutualiste ; sans oublier le tort causé par le renflouement en catastrophe de sa filiale d’assurance-vie, Suravenir. Tant et si bien qu’au sein du groupe, plus personne ne croit aujourd’hui à la perspective d’une indépendance en bonne et due forme, que sa propre direction repousse désormais, et au mieux, à l’horizon 2024. Autant dire jamais. 

Arkéa, un nom qui, seul, fait flop

Mais, quand après tant de défaites et d’humiliations, il ne reste plus rien à défendre que son nom, on peut comprendre qu’Arkéa concentre tous les efforts dérisoires de ses dirigeants pour  sauver l’honneur de la banque, ou du moins ce qu’il en reste. Est-ce la raison pour laquelle Arkéa a multiplié, au cours de la période récente, les opérations de « naming » et de sponsoring, apposant son nom – sans, bien entendu, aucune mention du Crédit Mutuel – sur les maillots d’équipes de cyclisme et de rugby, sur une gigantesque salle de spectacle et même sur un voilier participant au Vendée Globe ? 

De très coûteux investissements promotionnels qui, pour la plupart, se sont eux aussi retournés contre leurs concepteurs. Qu’on en juge : l’équipe Arkéa-Samsic alignée sur le Tour de France cycliste ? Soupçonnée de dopage et potentiellement exclue des futures compétitions. L’Arkéa Arena de Bordeaux ? Portes closes depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le bateau Arkéa-Paprec aligné aux Sables d’Olonne ? Obligé d’abandonner le Vendée Globe après une collision en mer. 

Non seulement un Arkéa sans le Crédit Mutuel ne verra probablement jamais le jour, mais son nom est désormais synonyme de scandales, d’échecs et de déroutes en tout genre. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

Catalogne, indépendance, Barcelone, Madrid
Politique

Alors que la grogne continue de monter en Espagne entre les indépendantistes catalans et le pouvoir en place, quelles seraient les conséquences d’une auto-proclamation de l’indépendance ? 

Si ce mardi ou dans quelques jours selon les l’hypothèse la plus probable le chef du gouvernement catalan Carles Puigdemont proclamait unilatéralement l’indépendance de la Catalogne, ce serait un véritable petit séisme qui se produirait en Espagne. La constitution espagnole autorise en effet le chef du gouvernement national Mariano Rajoy a reprendre en main la police catalane jusque là autonome. Idem pour le gouvernement catalan lui-même, qui pourrait être dissout de manière tout à fait légale, afin de faire taire la rébellion.

Aussi, les dirigeants catalans pourraient bien se retrouver en prison, à commencer par le chef de file Carles Puigdemont. Là encore, la loi espagnole donne les pouvoirs à Madrid afin de remettre du calme dans le royaume.

Des manifestations intenses et Rajoy out

Mais les conséquences pourraient être autres. Mariano Rajoy pourrait bien payer de sa place cette situation jusque là très mal gérée. Les manifestants indépendantistes ont été violemment interpelés par les forces de l’ordre nationale. L’opinion publique nationale et même européenne ferait alors payer au chef du gouvernement national sa gestion exécrable du conflit.

D’ailleurs, il serait très possible de voir de nouvelles manifestations, encore plus intenses que les précédentes, avoir lieu un peu partout dans le pays. A Barcelone, pro et anti indépendance s’affronteraient et on image bien qu’à Madrid la rue demanderait l’unité.

Enfin, la Catalogne pourrait décider d’organiser des élections législatives anticipées en ayant au préalable dissout son Parlement régional. Et dans le cas de figure où les indépendantistes seraient majoritaires, leurs voix pèseraient alors fortement au niveau national.

Coup de gueule

Les indépendantistes catalans organisent ce jeudi, « journée nationale » de la région, une démonstration de force pour réclamer le droit de se prononcer sur une séparation avec l’Espagne. Un projet de consultation sur l’avenir de la Catalogne qui devrait être étudié le 9 novembre prochain mais qui se heurte toujours au veto du gouvernement central. Le gouvernement espagnol estime en effet que la Constitution ne permet pas aux Catalans de se prononcer seuls sur leur avenir.

Un demi-million de personnes sont attendues aujourd’hui en Catalogne pour manifester en faveur de l’indépendance de cette région autonome espagnole. Fiers de leur langue et de leur culture, nombre des 7,5 millions d’habitants de Catalogne se sentent en effet maltraités par le gouvernement central. Dotée de sa propre police, la région, qui produit un cinquième de la richesse nationale, a plus d’autonomie que l’Ecosse actuelle. Mais, frappée par la crise économique de 2008, elle n’a pas digéré le fait que le pouvoir central lui refuse en 2012 la maîtrise de l’impôt. Une manifestation monstre à Barcelone avait donné la mesure de la montée des aspirations à l’indépendance.

Le président de la région autonome catalane est engagé dans un bras de fer juridique avec Madrid à ce sujet. Artur Mas veut organiser une consultation populaire, à l’image de celle qui aura lieu en Écosse la semaine prochaine. Mais le gouvernement espagnol juge la démarche illégale et a saisit la Cour constitutionnelle. Selon un sondage publié par le quotidien espagnol El Pais, la majorité des Catalans choisiront se plier à la décision de la Cour constitutionnelle.

Crédits photo : Ivan McClellan