La Poste, sans-papiers
Société

Depuis le 7  décembre, une grève bloque le centre de tri Chronopost d’Alfortville, dans le Val-de-Marne. Des dizaines de travailleurs sans-papiers y réclament la régularisation de leur situation, jugée plus que précaire. 

De la guerre à l’esclavage moderne

Parmi eux, Salouf, Madiouma et Aboubacar ont débarqué du Mali en 2018, pour  « fuir la guerre, la pauvreté et les conflits familiaux », mais ils ne s’attendaient pas à se retrouver dans cette situation de quasi-esclavage. 

« J’avais entendu dire par un ami que Derichebourg embauchait des gens dans notre situation. Toutes les semaines, on reçoit des contrats par SMS, pour des missions de quelques jours. Nous touchons entre 600 et 700  euros par mois, explique Aboubacar. Sur notre dos en permanence, les chefs nous disent d’accélérer. Nos tâches consistent à décharger des camions et à trier des colis. Nous devons abattre en quatre heures un boulot qui en nécessiterait huit ! Et si jamais nous tombons malades, on met un terme à notre mission… C’est de l’esclavage moderne. »

Pleine conscience de La Poste

Pour Jean-Louis Marziani, secrétaire adjoint de Solidaires  94, recruter des sans-papiers est particulièrement rentable pour les sous-traitants de La Poste.  « L’objectif est de faire baisser les coûts de traitement des colis, explique-t-il. Lorsque vous recrutez des sans-papiers, vous savez que vous pourrez leur imposer certaines tranches horaires, avec des conditions de travail que n’accepterait pas le personnel statutaire. Sans compter que cela permet de s’affranchir de nombreuses obligations (congés payés,  etc.). »

La Poste est d’ailleurs pleinement au fait de ces recrutements. « Certaines des filiales de La Poste ne pourraient pas fonctionner sans sous-traitance. Si nous avions les conditions sociales des facteurs transposées sur tous les salariés de Chronopost, Chronopost disparaîtrait. Nous avons besoin de la sous-traitance parce que les concurrents exercent une pression sur les prix et les marges », expliquait devant l’Assemblée nationale le patron de La Poste, Philippe Wahl, en février dernier. 

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Société

Pour pallier un manque de personnel de plus en plus pressant, La Poste n’a pas hésité à publier des offres d’emploi destinées aux personnes âgées de 57 ans et plus, inscrites à Pôle emploi depuis au moins trois ans.

Assignation en référé 

Les offres en question, qui concernent les communes Vaulx-en-Velin, Vienne et Villefranche-sur-Saôn, proposent des contrats de 4 à 6 mois, avec un allongement possible à 36 mois sans délai de carence obligatoire. «  Sidérant  », selon Yann le Merrer, de la fédération SUD PTT. «  Ils veulent recruter des précaires parmi les populations fragiles, alors que les mesures de protection contre le virus sont loin d’être partout présentes et respectées dans l’entreprise », s’insurge le syndicaliste. 

SUD PTT a donc assigné La Poste en référé pour l’obliger à prendre ses responsabilités face à l’épidémie de Covid-19, mais celle-ci s’est bornée à répondre que la procédure était tout à fait normale, et que ces offres s’inscrivaient «  dans le cadre d’une démarche de recrutement initiée en juillet 2019 ». Et face à l’absentéisme majeur qui sévit dans ses rangs (40 % des effectifs), la direction de La Poste s’est dite impuissante, assurant que « l’employeur n’a pas le droit de collecter des informations sur l’état de santé de ses personnels ».

«  Prioriser  »

« Tout cela est très opaque » , regrette Eddy Talbot, un autre syndicaliste de SUD PTT, qui dénonce les nouvelles mesures prises par La Poste: « Ils ont réorganisé le courrier en ne distribuant que trois jours par semaine, en n’ouvrant que 1 600 bureaux sur 9 000, mais cela n’a pas été fait en fonction des secteurs essentiels ! »

« On pourrait ne garder que 50  % du personnel, les faire travailler un jour sur deux pour ne conserver que les missions prioritaires comme la distribution de la presse, du courrier, de médicaments et l’accessibilité bancaire. Il faut prioriser, on n’a pas besoin de continuer à livrer des boîtes de chaussures commandées sur Internet ! », suggère la cégétiste Valérie Mannevy.

Coup de gueule

Une factrice a écopé d’une mise à pied d’un mois sans salaire pour avoir signé un colis en lieu et place d’une usagère à sa demande

Cette factrice de 59 ans travaille à Tulle en Corrèze. L’annonce de cette punition lui a été signifié par un conseil de discipline ce mardi 12 novembre. L’annonce a choqué de nombreux habitants et provoque la colère des syndicats. On l’accuse d’avoir signé un colis à la place d’une usagère qu’elle connait bien pour lui rendre service en son absence.

Cette factrice travaille à La Poste depuis 27 ans. Elle s’est avouée soulagée quand on lui a annoncé qu’elle risquait trois mois de mise à pied ; elle avait peur d’être licenciée. On comprends mal la décision du conseil de discipline. En effet, signer les colis à la place des usagers qu’on connaît est une pratique très répandue dans les campagnes. Karine Lavaud, secrétaire de la CGT FAPT, ajoute que cela permet d’éviter au personnes de se déplacer jusqu’au bureau de poste.

Tous perdants

Il semblerait que ce soit la fille de l’usagère qui se soit plainte en voyant la factrice signer à la place de sa mère. Depuis une pétition à été lancée et a réuni 7500 signatures. De plus le hashtag #TousAvecSylvie est apparu sur les réseaux sociaux. Face à cette levée de bouclier la poste a assurée comprendre la réaction des usagers. Ils affirment qu’ils se devaient de réagir car la faute est réelle.

Pour la secrétaire de la CGT FAPT la punition est bien trop lourde. Selon Karine Lavaud ; « Elle a simplement voulu rendre service, a reconnu son erreur, s’est excusée plusieurs fois auprès de la direction ». La factrice affirme qu’elle continuera à faire son travail au mieux de ses capacités. Cependant elle respectera désormais les ordres à la lettre, elle ne pourra plus rendre service à ses usagers comme le faisait auparavant.

Politique

Le groupe La Poste cherche à diversifier ses activités pour contrebalancer une année 2018 difficile. Près d’une quinzaines de bâtiments lui appartenant pourrait ainsi être transformée en résidences séniors.

Tandis que pour le grand patron Philippe Wahl, l’année 2018 « a été difficile pour les différents marchés du groupe La Poste », l’opérateur historique français de la distribution du courrier cherche à se réinventer. Et pour cela, l’enjeu serait de devenir un acteur national des résidences de services à destination des séniors. Pour y parvenir, La Poste compte capitaliser sur son foncier en transformant dans un premier temps non moins de quatorze hôtels des postes implantés dans des villes de taille moyenne en maisons de retraite. Un porte-parole du groupe déclarait à ce sujet que « ces résidences, non médicalisées, pourraient s’adresser aux séniors ‘actifs’ qui recherchent des services leur facilitant la vie et leur permettant de conserver leur autonomie ».

Les villes de Roubaix, Brest, Le Mans, Annecy ou encore Perpignan seraient ainsi dans le viseur du groupe. Les hôtels de poste dans de telles villes présentent comme intérêt d’offrir de larges espaces intérieurs qui seraient convertis en appartements adaptés aux séniors, le tout situé à proximité des commerces et services dont ils ont besoin.

Le groupe a en réalité déjà entamé le processus puisque une consultation a été initiée en fin d’année 2018 et doit se clore en juillet 2019. Il y a ainsi fort à parier que la Poste commande le lancement des opérations en fin d’année 2019 voire en début d’année 2020.

Si la Poste cherche à diversifier ses activités, c’est par nécessité car le groupe a enregistré une baisse de plus de 6% de son bénéfice net sur l’année 2018, et doit faire face à une dégringolade de son cœur de métier : la distribution de courrier. Car tandis qu’il représentait plus de 70% de son chiffre d’affaires en 1991, il ne pesait plus que pour 28% de ses résultats en 2018. Et les prévisions ne sont guère plus encourageantes puisque le patron du groupe estime que l’activité ne représentera plus que 20% du chiffre d’affaires total du groupe d’ici 2020.

Politique

Selon le dernier rapport de la Cour des Comptes, La Poste a engagé 415,5 millions d’euros dans les activités et aides à vocations sociales au bénéfice des agents principalement.

Une dépense moyenne équivalent à approximativement 1 500€ par agent, voilà comment se traduit les 415,5 millions d’euros que La Poste a dépensé en 2013 au titre des actions et activités sociales. Des dépenses qui sont destinées à ses agents, représentant 80% de l’effectif global. Participations aux frais d’inscription à des activités sportives, colonies de vacances, villages vacances…La Poste a su démontrer son intérêt à l’égard des travailleurs.

Des dépenses variées

L’enveloppe de 415,5 millions d’euros se décompose de la manière suivante : 212,5 millions d’euros ont été investis au titre de l’action sociale dans le cadre du conseil d’orientation et de gestions des activités sociales (Cogas), 27,5 millions d’euros pour la prime pour la restauration, 45,5 millions d’euros pour l’aide au logement et 130 millions au titre de la part patronale pour la complémentaire santé obligatoire.

Pour autant la Cour des Comptes pointe du doigt des améliorations à apporter dans la gestion de ce budget avec notamment le fait que les subventions aux associations prennent une part trop importante au détriment de prestations individuelles.