Tavares, Macron, Le Pen
EconomieSociété

Les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle ne s’accordent pas sur grand-chose, mais le PDG de Stellantis (Peugeot-Citroën-Fiat) a tout de même réussi à les mettre d’accord. En cause, le super bonus du patron, qui s’élèverait à 66 millions d’euros pour l’exercice 2021.

« Montants astronomiques »

Pour Emmanuel Macron, le problème de la rémunération des patrons doit être réglé au niveau européen. « Il faut mener le combat en Européen pour qu’on ait des rémunérations qui ne peuvent pas être abusives, a déclaré le président sur Franceinfo. Il faut se donner des plafonds et avoir une gouvernance pour notre Europe qui rendent les choses acceptables, sinon la société, à un moment donné, explose. Les gens ne peuvent pas avoir des problèmes de pouvoir d’achat et voir ces sommes ».

« Là on est sur des montants qui sont astronomiques, et sans l’encadrer dans une fourchette, on doit pouvoir mettre un plafond, si on le fait au niveau européen, ça peut marcher », assure Emmanuel Macron, rappelant que Stellantis a « son conseil d’administration et sa gouvernance aux Pays-Bas ».

Réponse en demi-teinte pour Le Pen

Marine Le Pen a, elle, répondu en deux temps, plus nuancée d’abord, avant de durcir sa position. «  C’est choquant mais moins choquant que pour d’autres », avait dans un premier temps déclaré la candidate du RN, soulignant que « pour une fois, il a obtenu de bons résultats ».

Mais madame Le Pen a ensuite changé son fusil d’épaule vendredi, fustigeant le PDG et proposant une solution purement française. « Bien sûr que c’est choquant, c’est encore plus choquant d’ailleurs quand ce sont des chefs d’entreprise qui ont mis leur société en difficulté, a déclaré la candidate. Mais je crois qu’un des moyens d’atténuer ces rémunérations, qui sont hors de proportion par rapport à la vie économique, c’est peut-être justement de faire entrer les salariés comme actionnaires ».

Le Pen, Zemmour
Politique

Dimanche 12 septembre, lors de son discours de rentrée à Fréjus, Marine Le Pen n’a pu échapper aux questions concernant son très probable rival d’extrême droite à l’élection présidentielle, le polémiste récemment écarté de CNews, Eric Zemmour.

7 % d’intentions de vote

Selon une étude du site Harris Interactive publiée dans Challenges, dans la configuration actuelle  (avant même d’avoir fait campagne) Eric Zemmour obtiendrait 7% d’intentions de vote, contre 19% pour Marine Le Pen. Il y a donc « danger maximal », s’alarme un cadre du Rassemblement National sous couvert d’anonymat. 

« Zemmour occupe un vrai espace. Il existe un électorat LR qui ne se fondera pas dans le macronisme et un électorat RN qui a un doute sur Marine Le Pen. La difficulté pour lui, c’est de muer en homme politique. Faire des meetings et porter un projet, c’est un autre métier que débattre sur des plateaux », explique-t-il.

« Le succès médiatique ne fait pas un homme politique »

De son côté, Marine Le Pen prétend ne pas redouter Zemmour, mais souligne tout de même que « le véritable suicide français, c’est la division du camp national », faisant ici référence au best-seller du polémiste.

Et dans son camp, les soutiens de la candidate se veulent rassurants. «  Eric Zemmour découvre ce qu’est une campagne. Il va se rendre compte que c’est intrusif, que recueillir les signatures de maires n’est pas une promenade de santé, et que le succès médiatique ne fait pas de vous un homme politique. Il faut un parcours initiatique qu’il n’a pas », assure un député RN.

« A la limite, il pourrait faire 5% et se rallier à nous au second tour. Mais on n’est même pas sûrs qu’il soutienne Marine, pour ne pas se griller et pouvoir revenir chez ses employeurs…  », suggère un autre responsable RN.

Le Pen, procès, FN, RN
Société

Ce mercredi 1er septembre s’est ouvert le procès de Jean-Marie Le Pen pour antisémitisme. Les faits remontent à 2014, lorsque l’ancien président du Front national avait déclaré, après que Patrick Bruel ait critiqué son parti  : « Ça ne m’étonne pas. Écoutez, on fera une fournée la prochaine fois ! »

FN, RN, même combat

« Avec ces déclarations, Jean-Marie Le Pen rappelle ce qu’est le Front national, assurait à l’époque le sociologue Alexandre Dézé.  D’ailleurs, il rassure les militants quant à la radicalité du parti. Marine Le Pen prend position contre son père pour dire qu’au FN, on n’est plus sur cette ligne, mais elle tente de jouer sur les deux tableaux. »

Cette continuité s’est encore vérifiée lors des dernières élections départementales et régionales, quand plusieurs candidats RN se sont vu retirer leur investiture en raison de leur antisémitisme. Le candidat RN de la Creuse, Thierry Morin, est toutefois parvenu à passer entre les mailles du filet et à être élu, après s’être emporté contre «  ces saloperies de migrants de merde ».

La peur, ADN du RN

Et dernièrement (dimanche 29 août), le numéro 2 du RN, Jordan Bardella, a remis sur le tapis la théorie du « grand remplacement », idée selon laquelle «  il y a un basculement démographique qui pourrait faire craindre que la France change de visage dans quelques années et c’est déjà en train d’arriver ». « C’est l’ADN du Rassemblement national. Marine Le Pen souscrit aussi à cette idée, explique le sociologue Sylvain Crépon. Cela lui permet aussi de répondre à la compétition avec Zemmour et ne pas se laisser doubler sur sa droite.   »

Mais selon la philosophe Juliette Grange, le RN n’est pas le seul à blâmer. Aujourd’hui « beaucoup s’extrême-droitisent, repoussant les limites de ce qui est “acceptable” de dire ou de penser. Même le macronisme tente de marcher dans cet espace. Marine Le Pen devient donc légitime. Il est donc plus difficile de dénoncer ses propos, comme il y a vingt ans avec le racisme décomplexé de Jean-Marie Le Pen  ». 

Macron, Le Pen, élections
Politique

La semaine passée, des informations ont fuité concernant la rencontre, en octobre dernier, de Bruno Roger-Petit, conseiller « mémoire » d’Emmanuel Macron, et de Marion Maréchal. L’Elysée s’est justifié en évoquant une « démarche personnelle » du conseiller. 

« Je voulais savoir ce qu’elle avait à dire et si elle était en résonance avec l’état de l’opinion, ce qui n’est pas le cas », a expliqué le principal intéressé, sans convaincre. 

Hold-up sur la droite conservatrice

La stratégie électorale de La République en marche se rapproche de celle du Rassemblement National sur de nombreux points, car les deux partis tentent de faire main basse sur la droite de la droite, « mais ne nous y trompons pas, le chef de l’État ne cherche pas à séduire l’électorat de Marine Le  Pen (qu’il sait acquis à sa cause), ou à affaiblir cette adversaire », précise le politologue, directeur de recherche au CNRS, Luc Rouban.

«  L’objectif est plutôt de vampiriser celui de François Fillon en  2017, la droite conservatrice de LR qui aime l’autorité, et peut être sensible au discours identitaire de Marion Maréchal », ajoute le politologue. Car Emmanuel Macron «  se dit qu’il sortira forcément vainqueur d’un nouveau duel contre  » Marine Le Pen. Il mise donc sur elle pour s’imposer à l’issue du second tour, en apparaissant comme «  le seul rempart crédible à l’extrême droite  », affirme Luc Rouban. 

«  Etouffer toute opposition  »

Mais pour s’assurer du passage de Marine Le Pen au second tour, LaREM ne se contente pas de vampiriser la droite, et « veut en réalité étouffer toute opposition, de gauche particulièrement, en se reposant sur des sujets sécuritaires, pour ne pas parler du reste, des conséquences de la crise en particulier. Car le président sait bien, au vu de la crise qui va encore s’amplifier, que sur ce terrain il est disqualifié, assure Ian Brossat, porte-parole du PCF. Il nous faut donc remettre le débat sur de bons rails en imposant la question économique et sociale au centre. C’est aberrant qu’au moment où la France compte 10 millions de pauvres, elle en soit réduite à débattre de Pétain et de Maurras… »

Le Pen, Coronavirus
Politique

Comme à son habitude, la présidente du Rassemblement National mise sur la peur et la colère, alimentées cette fois par la crise liée à l’épidémie de Covid-19, pour arriver à ses fins électorales. 

«  Stratégie assumée  »

Selon Florent Gougou, maître de conférences à Sciences-Po Grenoble, le coronavirus n’a pas vraiment changé la stratégie du RN, ne faisant qu’ouvrir «  un nouveau pan de critiques à formuler sur l’anticipation et la gestion du risque sanitaire par le gouvernement ».

« Ce que Marine Le Pen veut, c’est conquérir et exercer le pouvoir. Il s’agit d’une stratégie assumée, là où son père avait un rapport ambigu au pouvoir, explique le chercheur.  Il faut concéder que la gestion de la crise par un gouvernement, porté sur les restrictions de libertés, multipliant les contradictions et les mensonges, lui donne du grain à moudre.  »

Plusieurs angles d’attaque

Marine Le Pen a récemment accusé le gouvernement de  « mentir sur absolument tout », et s’est saisie de la question des masques, principale source de défiance des Français, pour faire entendre sa voix. « On a expliqué aux gens, et on leur a menti, en disant que le masque ne servait à rien, dénonçait, fin mars, la présidente du Rassemblement national. Ces choix ont lourdement entamé la confiance du gouvernement ». La lutte sanitaire «  va maintenant faire partie du débat public : Marine Le Pen doit donc se doter d’un discours sur ce sujet pour montrer qu’elle est crédible. Par exemple, sur la relocalisation de la production, alors qu’une partie des difficultés, notamment sur les masques, est liée à cette question », estime Florent Gougou.

Outre les masques, la présidente du RN a bien sûr un avis sur son sujet de prédilection, la fermeture des frontières, qu’elle aimerait « prolonger au-delà de la crise du coronavirus ». «  Pour Marine Le Pen, l’enjeu est de faire le lien entre la crise du coronavirus et ses “classiques” : immigration et fermeture des frontières », explique Florent Gougou.