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Coup de gueuleSociété

Suite à l’adoption à l’automne 2018 de la loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Elan, le gouvernement a élaboré une ordonnance de mise en application qui n’est pas sans inquiéter les associations de locataires.

Procédure trop complexe

L’une des principales inquiétudes des associations concerne la complexité des démarches pour les locataires, qui tient à l’absence d’un acteur unique et intelligible en matière de lutte contre l’habitat indigne. En effet, il existe aujourd’hui treize réglementations protégeant les locataires, sept inscrites dans le Code de la construction et de l’habitation et cinq dans le Code de santé publique, les premières relevant de la responsabilité du maire, et les autres de celle de l’Etat. 

Or, l’objectif de l’ordonnance est  « d’harmoniser et de simplifier les polices administratives ». Le texte ne traite donc pas le problème de fond, simplifiant seulement la législation sans réduire le nombre d’acteurs. « Il n’y a plus qu’une législation, mais les acteurs restent les mêmes, explique Samuel Mouchard, responsable de l’espace solidarité habitat de la Fondation Abbé-Pierre (FAP).  Cela veut dire que les occupants de ces logements vont continuer à ne pas savoir vers qui se tourner, avec un risque que celui qui est interpellé, le maire ou la préfecture, se dise incompétent. On a raté l’opportunité de faciliter les démarches des victimesen leur offrant un interlocuteur unique. »

Remise en cause de la suspension des loyers

Alors que jusqu’à aujourd’hui la suspension immédiate et automatique des loyers était prononcée suite à un arrêté d’insalubrité sur les parties communes, l’ordonnance de mise en application marque un grand retour en arrière, prévoyant que « lorsque l’arrêté de mise en sécurité porte exclusivement sur les parties communes d’une copropriété, les loyers ne cessent d’être dus que pour les logements devenus inhabitables »« La suspension des loyers est un des outils les plus efficaces de lutte contre l’habitat insalubre. Cette mesure joue autant un rôle de prévention auprès des propriétaires qu’un rôle de protection auprès des locataires », déplore pourtant Ian Brossat, adjoint PCF en charge du logement à la mairie de Paris.

Pour remplacer la suspension des loyers, le gouvernement propose un système d’astreintes financières, mais «  le problème, c’est que celles-ci sont aléatoires. Il faut saisir la justice, obtenir une décision. Toutes les municipalités n’ont pas les moyens de le faire, et il y a toujours un risque qu’au bout d’un certain temps, le juge les diminue »,  s’inquiète Jean-Baptiste Eyraud, président de Droit au logement (DAL).

Coup de gueule

tente_pour_sdf_a_Paris_photo_aleske.jpg Le 18 juin 2012, Cécile Duflot commençait son mandat en tant que ministre de l’Egalité des territoires et du Logement. En décembre 2012, elle promettait monts et merveilles, notamment la réquisition de logements vacants pour les plus démunis en période hivernale. En ce décembre 2013, rien n’a changé. Et la loi Alur, autre grand chantier de la ministre, chapeaute l’échec global avec une certaine majesté : les locataires finissent perdants et les syndics, plus ou moins contraints à plus de transparence, ne vont pas tous se plier aux nouvelles règles.

Le cabinet Immo G consulting a publié une étude en novembre dont les conclusions font frémir les plus démunis en Ile-de-France. 300 000 logements manquent pour équilibrer le marché, mais la région compte 7 millions de mètres carrés de bureaux vides, mobilisables immédiatement. Un paradoxe rageant quand on s’intéresse aux chiffres du mal-logement en France.

Plus de 3 Français sur 4 estiment qu’il est désormais difficile de se loger ; en Ile-de-France ce sont plus de 9 Franciliens sur 10 qui partagent cette opinion. Une estimation étayée par des chiffres alarmants : dans 37 % des cas les demandes d’hébergement des sans-abri ne sont pas satisfaites à Paris dévoile le dernier baromètre du 115, le numéro d’urgence du SAMU social de Paris. Et le nombre de demandes ne cesse d’augmenter en particulier de la part de personnes seules.

Dossier du mal-logement : toujours sous la pile

Le Gouvernement s’est engagé à prendre des mesures pour remédier à une situation que l’on peut bien qualifier d’intolérable. L’année dernière, le 8 décembre 2012, Cécile Duflot promettait qu’elle allait procéder à la réquisition de logements vacants pour loger les plus démunis en période de grand froid. La ministre avait même promis des réquisitions « dans les jours qui viennent. »

Un an plus tard, aucun bâtiment réquisitionné. Des procédures sont en cours en Ile-de-France dixit le ministère. Les 390 personnes « sans chez soi » dénombrées par le collectif « Les morts dans la rue » en 2012, sûrement plus nombreux en 2013, apprécieront. Pour justifier cet échec patent, le cabinet de Cécile Duflot n’a pas peur d’utiliser des arguments de poids : « L’objectif n’a jamais été la réquisition pour la réquisition. Le but, c’est que les propriétaires remettent sur le marché, le plus rapidement possible, un maximum de logements. » Plutôt léger comme explication.

Les locataires : les grands perdants des remaniements de la loi

La ministre aurait pu se rattraper avec la loi Alur qui prévoyait quelques garanties pour les locataires. Mais là encore, le texte initial a subi quelques accrocs. Lutte Ouvrière ne cache pas sa déception devant la dernière mouture du projet qui « va surtout permettre aux propriétaires de continuer à percevoir les loyers, en laissant à l’État le soin de faire payer les locataires défaillants ».

La nouvelle version du texte donne notamment la possibilité pour les propriétaires de choisir entre la GUL, induisant la prise en charge sociale du locataire en cas d’impayé, et un dispositif de caution. Pour le CNL, il est clair que les propriétaires « continueront d’utiliser le mécanisme de la caution et la GUL ne répondra pas à son objectif initial, favoriser l’accès au logement pour tous ».

Des syndics plus réglementés ?

Si l’on devait résumer, ce texte avantage finalement tout le monde sauf les locataires. Certains syndics eux aussi, a qui l’UFC-Que Choisir a reproché des pratiques de tarification abusives sur le dos des copropriétaires, se voient épargnés dans une certaine mesure. Le compte séparé sera la règle, excepté pour les copropriétés de moins de 15 lots principaux (hors caves et parkings). Or, c’est à la seule condition d’un compte séparé que les copropriétaires peuvent avoir une véritable visibilité sur leur trésorerie. Les plus éthiques ont décidé d’inclure l’ouverture d’un compte séparé dans leurs offres d’options à la carte.

Bravo madame Duflot, jamais ministre n’aura aussi mal porté son titre. Vous avez réussi à prouver en un an seulement que vous étiez bel et bien la ministre de l’Inégalité des territoires et du Logement.