Catalogne, indépendance, Barcelone, Madrid
Politique

Alors que la grogne continue de monter en Espagne entre les indépendantistes catalans et le pouvoir en place, quelles seraient les conséquences d’une auto-proclamation de l’indépendance ? 

Si ce mardi ou dans quelques jours selon les l’hypothèse la plus probable le chef du gouvernement catalan Carles Puigdemont proclamait unilatéralement l’indépendance de la Catalogne, ce serait un véritable petit séisme qui se produirait en Espagne. La constitution espagnole autorise en effet le chef du gouvernement national Mariano Rajoy a reprendre en main la police catalane jusque là autonome. Idem pour le gouvernement catalan lui-même, qui pourrait être dissout de manière tout à fait légale, afin de faire taire la rébellion.

Aussi, les dirigeants catalans pourraient bien se retrouver en prison, à commencer par le chef de file Carles Puigdemont. Là encore, la loi espagnole donne les pouvoirs à Madrid afin de remettre du calme dans le royaume.

Des manifestations intenses et Rajoy out

Mais les conséquences pourraient être autres. Mariano Rajoy pourrait bien payer de sa place cette situation jusque là très mal gérée. Les manifestants indépendantistes ont été violemment interpelés par les forces de l’ordre nationale. L’opinion publique nationale et même européenne ferait alors payer au chef du gouvernement national sa gestion exécrable du conflit.

D’ailleurs, il serait très possible de voir de nouvelles manifestations, encore plus intenses que les précédentes, avoir lieu un peu partout dans le pays. A Barcelone, pro et anti indépendance s’affronteraient et on image bien qu’à Madrid la rue demanderait l’unité.

Enfin, la Catalogne pourrait décider d’organiser des élections législatives anticipées en ayant au préalable dissout son Parlement régional. Et dans le cas de figure où les indépendantistes seraient majoritaires, leurs voix pèseraient alors fortement au niveau national.

Politique

Des milliers de personnes ont manifesté dans toute l’Espagne ce samedi 29 novembre. De grands rassemblements ont eu lieu dans les rues de Madrid, de Barcelone et d’autres grandes villes espagnoles pour dénoncer l’austérité et la misère, près de 24% de la population espagnole est au chômage.

Les journalistes de l’AFP ont assisté à la manifestation qui a eu lieu à Madrid, ce week-end. Le cortège s’est formé à la gare d’Atocha pour se rendre à la Puerta Del Sol. Sur les banderoles on pouvait lire « Du pain, un toit, un travail ». Les espagnols souhaitent mettre fin à la politique d’austérité qui provoque la misère pour beaucoup et dénoncent une classe politique, qu’ils accusent de corruption. La situation est difficile pour une grosse partie de la population, qui ne trouve pas d’emploi, qui ne peut pas se loger, à cause du prix des loyers et qui a de plus en plus de mal à se nourrir. Cette année, la Croix-Rouge est venue en aide à plus de 5 millions de personnes, menacées par la pauvreté. Un tiers des travailleurs touchent un salaire de 645 euros seulement.

L’AFP a interrogé l’un des manifestants, Agustin Carretero qui vit dans un appartement de 50 m2 de type HLM avec ses deux enfants de six et huit ans, son loyer est de 500 euros. Agustin raconte que son logement vient d’être vendu à un promoteur pour la somme de 60.000 euros, mais en 2018, il n’aura plus le choix, soit il rachète son appartement pour la somme de 140.000 euros, soit il déménage. Plus de 2.300 personnes sont dans la même situation actuellement.

Le gouvernement annonce une croissance de 1,3% pour 2014, « la plus forte de la zone euro ». Mais cela ne reste que de la propagande pour les manifestants du 29 décembre, « la crise se poursuit, on continue à imposer des coupes claires dans la santé, l’éducation (…) à privatiser l’enseignement » raconte Carlos, chômeur de 48 ans, à la recherche désespérée d’un emploi depuis un an et demi. La situation reste compliquée en Espagne, et la trilogie « pain, toit, travail » n’est pas facilement accessible pour tous.

Crédits photo : Barcex

Coup de gueule

Le chef de l’exécutif régional Artur Mas a annoncé cette semaine devoir annuler le référendum sur l’indépendance de la Catalogne qui devait avoir lieu le 9 novembre prochain. Si une consultation symbolique reste maintenue, celle-ci n’aura aucune incidence en cas de victoire du oui. Le gouvernement régionale a en effet dû se plier à la volonté du gouvernement espagnol et de la justice.

Le référendum d’autodétermination régionale n’aura finalement pas lieu. Les indépendantistes catalans ont cédé face aux refus associés de Madrid et de la justice. Le décret qu’il avait signé autorisant le référendum du 9 novembre avait été «suspendu» par le Tribunal constitutionnel fin septembre et dans la pratique, les autorités espagnoles n’auraient pas permis la tenue de cette consultation, jugée par Madrid «illégale» et «insensée».

Une déception alors que le mouvement pour l’indépendance de la région semblait largement suivi par une grande partie de la population. Plaidant le « droit à décider », plus d’un million et demi de manifestants s’étaient retrouvés dans les rues de Barcelone le 11 septembre dernier pour réclamer le droit de s’exprimer par les urnes.

Artur Mas a toutefois souhaité maintenir une consultation publique organisée officiellement dans les 950 municipalités de la Catalogne par des associations citoyennes, et non par des autorités catalanes qui s’exposeraient alors à des sanctions judiciaires. Une consultation qui « n’aura pas l’once d’une légitimité » pour le chef du gouvernement Mariano Rajoy, mais qui pourtant pourrait être des plus irritantes en cas d’une tendance prononcée pour l’indépendance.

Coup de gueule

Les indépendantistes catalans organisent ce jeudi, « journée nationale » de la région, une démonstration de force pour réclamer le droit de se prononcer sur une séparation avec l’Espagne. Un projet de consultation sur l’avenir de la Catalogne qui devrait être étudié le 9 novembre prochain mais qui se heurte toujours au veto du gouvernement central. Le gouvernement espagnol estime en effet que la Constitution ne permet pas aux Catalans de se prononcer seuls sur leur avenir.

Un demi-million de personnes sont attendues aujourd’hui en Catalogne pour manifester en faveur de l’indépendance de cette région autonome espagnole. Fiers de leur langue et de leur culture, nombre des 7,5 millions d’habitants de Catalogne se sentent en effet maltraités par le gouvernement central. Dotée de sa propre police, la région, qui produit un cinquième de la richesse nationale, a plus d’autonomie que l’Ecosse actuelle. Mais, frappée par la crise économique de 2008, elle n’a pas digéré le fait que le pouvoir central lui refuse en 2012 la maîtrise de l’impôt. Une manifestation monstre à Barcelone avait donné la mesure de la montée des aspirations à l’indépendance.

Le président de la région autonome catalane est engagé dans un bras de fer juridique avec Madrid à ce sujet. Artur Mas veut organiser une consultation populaire, à l’image de celle qui aura lieu en Écosse la semaine prochaine. Mais le gouvernement espagnol juge la démarche illégale et a saisit la Cour constitutionnelle. Selon un sondage publié par le quotidien espagnol El Pais, la majorité des Catalans choisiront se plier à la décision de la Cour constitutionnelle.

Crédits photo : Ivan McClellan