Suite à l’éphémère mobilisation de la jeunesse chinoise contre la stratégie « zéro Covid » début décembre, que Pékin a abandonnée au lendemain des rassemblements, l’espoir s’est embrasé dans l’Empire du Milieu, ou l’on réalise que manifester peut produire des résultats. Mais bien que l’espoir renaisse, il y a fort à parier que Pékin ait lâché du lest cette fois pour être plus intransigeant à l’avenir.
« Cela donne de l’espoir »
« Au moins on a osé parler, alors que tout le monde se taisait. Je suis heureuse d’avoir modestement contribué à ce changement », confie Shunyu, une quarantenaire ayant participé aux manifestations dans le quartier des ambassades, à Pékin.
Des rassemblements certes modestes (quelques centaines d’étudiants) au regard des 1,4 milliard de Chinois, dont la plupart n’entendront d’ailleurs jamais parler, mais qui ont suffi à enflammer les coeurs de la jeunesse, en Chine et à travers le monde. « Ces manifestations sont d’une grande signification pour les jeunes en Chine aujourd’hui, bien qu’elles aient été rapidement réprimées. Il s’agit d’un moment d’éveil. Elles auront un impact à long terme », assure Xiang Biao, sociologue à l’Institut Max Planck, à Berlin.
De l’autre côté du détroit de Taïwan notamment, de nombreux jeunes chinois expatriés suivent ces manifestations de près. « C’est un coming out politique. Cela va entraîner des changements », se réjouit Céline, qui manifeste sur la place de la Liberté, à Taipei. La jeune Chinoise, originaire du nord-est du pays, croit dur comme fer en en la «démocratisation» prochaine de son pays.
Non loin de là, Sam, originaire du Zhejiang, est du même avis. « J’ai été surprise. Jamais je n’aurais imaginé qu’ils seraient aussi courageux. Cela donne de l’espoir. Si on proteste on peut obtenir des résultats », s’enthousiasme la jeune femme.
Limites du mouvement
La principale limite des manifestations est leur caractère éphémère, dû à la répression brutale de Pékin. « J’ai été surpris de voir tant de jeunes descendre dans la rue. Cela exige une extraordinaire bravoure, car la punition est certaine, et peut détruire la vie d’un individu », rappelle Xiang Biao.
Une autre limite vient des Chinois eux-mêmes, qui n’ont pas encore les mêmes revendications que les Occidentaux. « Les jeunes Chinois ne réclament pas des élections, mais ils veulent avoir le droit de poster ce qu’ils veulent en ligne », illustre Sam. D’ailleurs, ces revendications personnelles ne sont pas incompatibles avec un nationalisme exacerbé. « Vous pouvez être contre le “zéro Covid”, et en faveur de l’invasion de Taïwan », rappelle Céline.
La dernière limite du mouvement concerne son manque d’homogénéité. Il ne rassemble que des jeunes, déjà, mais surtout, il ne rassemble pas tous les jeunes. « Le mouvement est cantonné à la bourgeoisie urbaine branchée. Ce n’est pas un mouvement de masse populaire », juge Alex Payette, fondateur du Cabinet Cercius. Un élitisme sur lequel va sûrement jouer le gouvernement. « Les autorités vont recalibrer leur discours pour faire des manifestants les responsables du chaos », prédit Lai I-chung, directeur de la Prospect Foundation, à Taipei.
Mais si limité soit-il, le mouvement reste une avancée majeure pour les Chinois en quête de liberté. « À court terme, il n’y aura pas de grandes manifestations car la répression est trop stricte. Mais les jeunes se sont transformés en descendant dans la rue. Ils vont devenir plus courageux, et plus sensibles aux abus de pouvoir », prévoit Xiang Biao.