TotalEnergies, patron, salaire
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Mardi 18 octobre, le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a pris les réseaux sociaux de court en tentant de justifier sur Twitter la hausse faramineuse de son salaire. De nombreuses personnalités politiques de gauche se sont immédiatement emparées du bâton que le dirigeant leur tendait pour se faire battre.

« Ce n’est pas moi qui fixe ma rémunération »

« Je suis fatigué de cette accusation de m’être augmenté de 52% », a tweeté Patrick Pouyanné mardi, assurant que sa rémunération était « constante depuis 2017 » et « moins élevée » que celle des « autres majors » européens. « Voici la vraie évolution de ma rémunération depuis 2017 », a ensuite insisté le dirigeant, publiant un tableau de l’évolution de sa rémunération (depuis 2017) à l’appui. Elle est constante, sauf pour 2020, car j’ai volontairement amputé mon salaire et ma part variable a normalement baissé avec les résultats de TotalEnergies  ».

« Ce n’est pas moi qui fixe ma rémunération, mais le conseil d’administration de TotalEnergies qui le fixe et les actionnaires qui l’approuvent – il est certes élevé, mais comparable à mes pairs du CAC40 », s’est ensuite défendu Patrick Pouyanné dans un second tweet.

« Ecocidaire et profiteur de guerre »

Plusieurs personnalités politiques de gauche n’ont pas manqué d’ironiser sur les geignardises du malheureux dirigeants. « Cher Patrick Pouyanné, tout mon soutien à vous qui, en 2020, avez dû survivre avec 3 918 263 €. Soit 2 545 Smic. Si peu quand on réussit l’exploit de ne payer aucun impôt sur les sociétés en France. La justice fut rétablie dès 2021. 5 944 129 €, le minimum pour une existence digne », a par exemple ironisé le député de la Somme, le très sulfureux François Ruffin.

« Sérieusement, comment peut-on confier un grand groupe comme Total à un individu pareil ? À un homme qui veut se faire plaindre pour son salaire à 5,9 millions € ? Qui peut croire que, sans obligation de la puissance publique, ce type de personnage augmentera ses salariés ? », a surenchérit le député LFI Alexis Corbière.

Les écologistes se sont faits plus tranchants encore, faisant allusion à des crimes de guerre. « Le salaire du déni social, la prime pour le déni climatique, la récompense pour diriger un groupe, TotalEnergies, complice de guerre en Ukraine », a dénoncé l’ancien candidat à la présidentielle, Yannick Jadot, tandis que la députée EELV Sandrine Rousseau a, elle, ironisé  : « Ça rapporte bien, dites donc, d’être écocidaire et profiteur de guerre ».

« Malheureux » et « déconnecté »

Le Parti socialiste et la CFDT se sont eux montrés plus mesurés, taclant tout de même la sortie irresponsable et déconnectée du dirigeant. « Il va falloir redescendre sur terre », a simplement déclaré le patron du PS Olivier Faure. 

« On ne peut pas contester quand on regarde la courbe, qu’effectivement il ne s’est pas augmenté de 52 %. Mais on parle d’un salaire de 6 millions d’euros. C’est hors-sol », a de son côté déclaré le secrétaire général de la CFDT, Laurent Bergé, évoquant prudemment un tweet « malheureux » et « déconnecté ».

patrons, revenus
Economie

Mercredi 6 novembre, le cabinet Proxinvest a publié une étude révélant que les premiers dirigeants du CAC 40, qui gagnent en moyenne 5,77 millions d’euros par an, ont vu leurs profits augmenter de 12  % en 2018. Une hausse directement liée à la baisse de la fiscalité appliquée aux dividendes décidée par le gouvernement. 

Connivence de l’Etat

Cette hausse des gains est un record, qui «  va de pair avec l’augmentation continue du versement de dividendes ces dernières années, analyse l’économiste Maxime Combes, porte-parole d’Attac. Ces très grandes entreprises préfèrent rémunérer patrons et actionnaires plutôt que d’investir ».

La rémunération des grands patrons augmente d’ailleurs trois fois plus vite que celle de leurs salariés, ce qui ne cesse de creuser les écarts de salaire. En 2018, par exemple, ils ont gagné en moyenne 90 fois le salaire médian de leurs employés, contre 73 fois en 2014. « Dans ces grands groupes, se côtoient deux mondes, celui des salariés et celui des dirigeants et des actionnaires. Et quand on parle, à l’échelle de la société, des fameux 1  %, c’est vrai, aussi, à l’échelle de la multinationale », regrette Maxime Combes.

Et l’économiste affirme que si les dirigeants ont pu à ce point faire passer leur intérêt personnel avant celui de leur société, c’est uniquement car l’Etat en a décidé ainsi. « Emmanuel Macron a largement encouragé la rémunération par actions, par la flat taxe ou par l’abrogation de la taxation du versement de dividendes », rappelle le porte-parole d’Attac.

Aides publiques sans conditions ni contreparties

En plus de ces cadeaux fiscaux, l’Etat signe « des chèques en blanc » aux entreprises. Il serait question d’une enveloppe de 200  milliards d’euros d’aide publique, que l’Etat offre sans condition ni contrepartie.  

« Au minimum, il est urgent de fixer des contraintes, de conditionner le versement de ces aides à des impératifs d’embauche, d’amélioration des conditions de travail, de niveaux de salaire ou d’objectifs environnementaux » , s’insurge Maxime Combes.

Politique

A quand même, il était temps ! Les députés ont décidé d’interdire le rachat d’années d’ancienneté au moment de la prise de poste des grands patrons, pratique faisant partie d’une sorte de prime de bienvenue (Golden hello). Ce nouvel ajustement vise à limiter les « retraites chapeaux » qui font à juste titre polémique.

Le député PS Laurent Grandguillaume a fait adopter un amendement le jeudi 11 juin, limitant ainsi un peu plus le dispositif des « retraites chapeaux » pour les grands patrons. Il s’agit d’interdire simplement d’attribuer d’office des années d’ancienneté fictives (jusqu’à 15 ans, selon le député) à un patron qui vient d’arriver ( oui! oui! c’était légal).

Les députés avaient déjà décidé de réglementer en conditionnant d’abord l’acquisition des droits à la performance des entreprises. Ils avaient aussi limité le rythme d’acquisition de ces droits à 3 % du salaire de référence par année d’ancienneté afin d’éviter que des patrons n’aient une retraite chapeau élevée trop rapidement et enfin avait voté  en 2014 une taxation de 45 %  sur les retraites chapeaux excédant 300.000 euros annuels, à la charge des employeurs.

Cet amendement de circonstance fait suite à de nombreuses polémiques à propos par exemple des 21 millions d’euros prévus pour la retraite chapeau de Philippe Varin chez PSA ou des 4 millions d’euros de Olivier Brandicourt chez Sanofi a la fin février.

Vous allez gagner combien, vous, à votre retraite ?