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Des membres Front antifasciste révolutionnaire membre du Bataillon international de libération passent en revue la situation du Rojava dans le nord-est syrien

Le mois d’octobre a été marqué par la trahison du Rojava par les États-Unis. Ce retournement d’alliance de Donald Trump en faveur de la Turquie a choqué jusqu’à ses plus fervents partisans. Depuis lors la Turquie a lancé une offensive et malgré le rétropédalage américain les combats ont causé de nombreux morts et déplacés. Un « accord » d’occupation d’une zone de territoire syrien a été « accepté » ; les ONG y signalent de nombreuses exactions et exécutions. Les informations viennent de camarades francophones du Front Antifasciste Révolutionnaire (RAF) membre du Bataillon international de libération (IFB), appartenant aux Forces Démocratiques Syriennes (FDS).

La trahison américaine au cœur du problème

La situation militaire est apparemment en cours de stabilisation. Des affrontements perdurent entre les FDS et « l’armée syrienne libre » (ASL); en réalité des supplétifs islamistes de l’armée turque. Ces derniers sont soutenus par des frappes aériennes et l’artillerie turque. Les kurdes ont été obligés de se rapprocher du régime syrien dans l’espoir que la Russie intercède en leur faveur. Néanmoins le soutiens de Damas est plus formel que concret.

La population du Rojava supporte mal de voir les soldats turques et de l’ASL patrouiller leurs rues. De véritables scènes d’intifada ont eu lieu dans cette zone occupée. Il y a quelques jours les blindés turcs ont tirés sur la foule lors de l’une de ces manifestations. De plus, le 18 novembre dernier des blindés turcs et russes ont reçus des jets de cocktails molotov. On assiste aussi à une certaine hostilité vis à vis des forces du régime syrien qui n’a jamais été un allié. L’alliance de circonstance avec les kurdes est un compromis pour survivre.

Une organisation bicéphale

La situation politique au Rojava est particulièrement compliquée. Le PYD, ou Parti de l’Union démocratique est à l’origine des milices YPG-YPJ. Il s’est cependant s’est cependant en partie fondu en d’autres structures plus petites et locales. Les deux pôles de pouvoir dans la société rojavi sont ; les FDS pour le versant militaire et le Tev-Dem pour le pôle civil. Le Tev-Dem est une structure fédérant les organisations de base, comités locaux, communes depuis 2011. Le Tev-Dem semble actuellement compter sur une intervention salvatrice de la communauté internationale depuis l’invasion du comté d’Afrin par les kurdes.

Pour les combattants francophones le Tev-Dem est en partie responsables des échecs politiques actuels. Toutefois malgré la faiblesse diplomatique du Tev-Dem les institutions rojavi sont solides. Elles continuent à gérer l’organisation de la société malgré la situation de guerre. Ainsi, hors de zones de combats les civils vivent à peu près normalement et les réfugiés sont relogés aussi vite que possible. Néanmoins plus que la résistance des institutions on assiste à une résilience populaire et une auto-organisaton pour palier aux problèmes de première nécessité. Malgré tout la situation reste critique ; le Rojava a plus que jamais besoin d’aide.

Politique

Alors qu’une sortie de crise se profile au Burkina Faso, suite à la signature ce dimanche d’une charte de la transition et la nomination de Michel Kafango comme chef du gouvernement intérimaire, la révolution de Ouagadougou a fait craindre durant de nombreuses semaines un embrasement dans la région du Sahel et la propagation du mouvement de contestation. Des inquiétudes sans fondement pour Jean-Yves Ollivier, spécialiste des relations diplomatiques, qui met en avant les différences fondamentales existantes d’un pays à l’autre du Sahel et de l’Afrique.

Selon une idée largement relayée par les médias africains, la chute de Blaise Compaoré ne pouvait pas mieux tomber pour les populations du Congo-Brazzaville, de la RD Congo, du Cameroun, du Togo, du Bénin, du Rwanda, ou du Tchad en soif d’alternance politique. Un phénomène s’inscrivant dans une tendance globale de sympathie révolutionnaire pacifique et populaire qui a démarré avec « la révolution des roses » en Géorgie en 2003, puis la “révolution orange” en Ukraine fin 2004 pour finalement s’insérer sur le continent africain via le Maghreb et le vent de la révolution arabe de 2011.

Or, s’il est vrai que des mouvements révolutionnaires peuvent parfois se répandre comme une traînée de poudre, ces théories se basent pour la plupart sur une simplification bien souvent préjudiciable de la situation géopolitique sur le continent africain et des pays du Sahel. En effet, considérer que le contexte politique et social puisse être similaire dans ces pays et qu’une simple étincelle au Burkina Faso enflammerait toute la région serait faire ici de bien trop nombreux raccourcis.

Comme le souligne en ce sens Jean-Yves Ollivier, l’Afrique n’est pas qu' »un grand pays ». « Les données et les situations varient d’un bout à l’autre de cet immense continent […] et on ne peut pas confondre la gouvernance de Blaise Compaoré avec celles de Joseph Kabila en RDC, ou de Paul Biya ou de Paul Kagamé au Cameroun et au Rwanda. Ces présidents n’ont guère en commun que leur longévité au pouvoir ».

Cela étant, la révolution de Ouagadougou devrait toutefois servir de leçon pour tous ces présidents au pouvoir depuis des décennies et qui souhaiteraient renouveler leur mandant malgré des limites institutionnelles. Ces derniers devront désormais séduire les jeunes générations au risque de subir des mouvements de contestations similaires. Le Burkina Faso comme le Sahel dans son ensemble compte aujourd’hui plus 70 % de moins de 30 ans, autant de jeunes qui n’ont connu que le président en place.

« Certains y parviendront, d’autres pas. Mais il faudrait être frappé d’amnésie pour prétendre, dès aujourd’hui, que leur tâche sera compliquée par l’effet Ouaga », en conclut Jean-Yves Ollivier. Un effet qui semble avoir été largement surestimé.

Crédits photo : Maxppp