L’exploitation polluante de la bauxite, matière première indispensable à la fabrication de l’aluminium, continue de faire des dégâts en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Dernier exemple en date au Brésil où le groupe norvégien Norsk Hydro vient d’être lourdement condamné. Pendant ce temps-là en Guinée, les entreprises chinoises continuent de polluer. En toute impunité…
La demande croissante en aluminium n’a nullement été freinée par le bras de fer économique (et douanier) entre les États-Unis et la Chine, au contraire. Une situation qui conduit a une augmentation constante du nombre de mines de bauxite sur le globe. Une exploitation en théorie réglementée et plutôt propre, mais qui donne lieu régulièrement à des dégâts environnementaux et sociaux considérables quand elle est orchestrée par des groupes peu scrupuleux.
Une nouvelle catastrophe au Brésil
Le 1er mars dernier, la compagnie norvégienne Norsk Hydro, qui détient l’entreprise locale Alunorte, a été condamnée par la justice brésilienne à une amende de 5 millions d’euros. La plus grande usine d’alumine au monde (5,8 millions de tonnes/an) est accusée de provoquer des dégâts environnementaux dans le nord du Brésil. Les autorités ont également ordonné que l’entreprise procède à la réduction de moitié de sa production et suspende l’utilisation d’un bassin provoquant une grave pollution.
En cause : les résidus de bauxite qui ont contaminé l’eau de la municipalité de Barcarena. Selon une source provenant du ministère brésilien de la Santé publique, le débordement qui a provoqué cette contamination fait courir de réels risques aux pêcheurs et autres communautés vivant dans l’Amazone. Une contamination de la terre, de l’air et de l’eau qui menace des milliers d’habitants. Une zone déjà sous-développée et qui subit de plein fouet cette catastrophe environnementale.
Guinée, la première victime
Bien sûr, l’exploitation de la bauxite peut être effectuée en respectant des normes sociales et environnementales qui protègeront la nature. Les méthodes pour faire un minimum de dégât sur la nature nécessitent la mise en place de procédures relativement classiques dans le monde minier. Cela passe notamment par la récupération, le traitement et l’assainissement des « boues rouges » toxiques provoquées par le forage. Mais certains grands groupes, notamment asiatiques, profitent de la faiblesse des États où ils opèrent pour passer outre ces mesures afin de faire des économies et accroître leurs profits. Une exploitation qui fait alors des dégâts colossaux et durables, et particulièrement en Guinée. Dans le nord-ouest du pays se trouve le plus grand gisement mondial de bauxite et il attire depuis plusieurs années les convoitises. Selon les experts, le pays possède à lui seul près de 25 milliards de tonnes, soit la moitié des réserves mondiales ! Problème : à l’instar de celui de son homologue norvégien, l’exploitant chinois China Hongqiao Group est régulièrement accusé de saccager la nature.
Outre le fait de ne pas travailler main dans la main avec les populations locales (le groupe n’embauche que très peu de main d’œuvre sur place), l’entreprise asiatique fait fi de toutes les considérations environnementales. Ce n’est pas nouveau : en 2016, les entreprises chinoises ont dû suspendre leurs activités (l’extraction de bauxite) en Malaisie pour des « raisons sanitaires ». Idem en Indonésie deux ans plus tôt. Ces deux pays ont, depuis, interdit l’exportation de la bauxite en Chine.
L’« or rouge » attire du monde et renfloue les caisses de l’État (la Guinée va toucher 20 milliards de dollars de la part de la Chine sur 20 ans), mais les puissantes entreprises chinoises polluent les eaux et ravagent des milliers d’hectares de manguiers, d’avocatiers et d’arbres à noix de cajou. Des récoltes à la fois vivrières et destinées à l’exportation. La pollution menace donc le développement de toute une région, mais aussi sa propre auto suffisante alimentaire. Enfin, l’air environnant est aussi contaminé : selon le rapport du Bureau guinéen d’études et d’évaluation environnementale (BGEEE) datant d’avril 2017, les sites de Katougouma et de Djoumaya gérés par la Société minière de Boké (SMB), un consortium guinéo -sino-singapourien, la concentration de particules fines PM10 est entre 5 et 8 fois plus élevée que la moyenne tolérée. Une toxicité qui plonge toute la région dans un désastre sanitaire.
Dans une ambiance de Far West, les groupes chinois font la loi. Ne respectant aucune législation pour maximiser leurs profits, ils profitent de la faiblesse de l’État guinéen pour imposer leurs modes de production polluants. Une situation qui pose le problème de la responsabilité de ces entreprises chinoises dans les difficultés de l’Afrique à se développer. Avec ses promesses de financements (constructions d’infrastructures financées par Pékin, taxes versées à l’Etat), Pékin s’assure une docilité des élites dirigeantes africaines. Une vassalité et une dépendance s’exercent alors : la Chine et ses entreprises deviennent incontournables, et par là même, empêchent les pays africains de sanctionner les abus de ces grands groupes.